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en considération du projet fut combattue par M. James Fazy, l’ancien chef du parti radical, plus libéral cette fois que ceux qui rayaient si souvent accusé d’une politique autoritaire. Il invoqua l’incompétence du pouvoir civil pour ce qui concerne la constitution intérieure de la société spirituelle, et proposa le régime, récemment si prôné par ses adversaires, de la séparation de l’église et de l’état. Il fut battu non-seulement dans ce premier débat, mais dans la discussion du fond qui s’engagea sur le rapport présenté par M. Bard, député catholique. M. James Fazy fut soutenu par la parole incisive de M. Charles Vogt, le célèbre naturaliste. Le principe de l’élection des curés par les citoyens catholiques fut accepté à une majorité considérable, puis ratifié par le vote populaire.

L’élection des ecclésiastiques par le peuple chrétien est sans doute conforme à l’antique tradition de l’église; mais ce n’est pas à l’état qu’il appartient de réaliser des progrès pour l’église, elle seule est compétente pour modifier ses institutions. Une assemblée politique se compose d’hommes de toute croyance et elle compte des membres sans convictions religieuses; elle constitue un corps essentiellement laïque : aussi se met-elle dans une position fausse lorsqu’elle délibère sur les institutions ecclésiastiques. On dira que la croyance n’est pas même effleurée par l’élection des curés. — C’est une grave erreur; l’organisation de l’autorité ecclésiastique touche à l’essence même de la foi catholique. On ne saurait prétendre que le grand-conseil de Genève a rendu la liberté aux citoyens en leur laissant le choix de leurs pasteurs; ce serait oublier qu’il avait commencé par régler la question de l’origine des pouvoirs ecclésiastiques, qui est une question religieuse. Il n’est pas admissible qu’un corps délibérant composé en majorité de protestans soit appelé à déterminer les conditions de l’autorité catholique. Imposer la liberté à une société religieuse, c’est encore l’asservir. Il ne sert de rien de dire que, sur 10,979 électeurs inscrits à la votation sur la loi ecclésiastique, il n’y eut que 150 non et 1,700 abstentions ou bulletins blancs : cela prouve que la fraction ultramontaine était en minorité à Genève, qu’en conséquence rien n’était plus facile au gouvernement que de s’adresser aux catholiques genevois et de les mettre en demeure, en face de la résistance de Rome, de lui présenter les bases d’un nouveau contrat.

La loi votée le 19 février 1872 s’était bornée à poser le principe de l’élection des curés. Elle fut complétée par une loi organique qui fut adoptée le 17 août de la même année. Le système de la constitution