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contemporaine est féconde en événemens. Les contrées situées à l’est du massif central de l’Asie sont de nos jours aussi bouleversées par les révolutions que les royaumes légendaires de la Transoxiane.


I

L’empire birman est de création moderne, et peut-être, parce qu’il n’était pas encore bien assis, il fut un voisin incommode pour les Anglais du Bengale pendant la première moitié de ce siècle. Au surplus, ceux-ci ne cherchaient alors que des prétextes de lutte et de conquête. Une première guerre, en 1826, se termina par l’annexion des provinces de Tenasserim et d’Arracan, qui s’étendent le long du golfe du Bengale ; le monarque birman conservait encore le Pégou, où se trouvent les bouches de l’Irawady, grand fleuve navigable jusqu’à 350 lieues de Rangoun et par lequel s’exportent les productions du pays. En 1852, lord Dalhousie, irrité contre des tribus sauvages qui ne reconnaissaient aucun maître, fit occuper soudainement le Pégou ; puis un ordre du gouvernement anglo-indien déclara que ce territoire passait sous la domination britannique. Le texte de cet ordre montre assez bien comment le plus ambitieux des gouverneurs-généraux avait l’habitude de traiter les états asiatiques. « Comme compensation pour le passé et pour assurer la sécurité de l’avenir, le gouverneur-général en conseil a décidé et proclame par les présentes que la province de Pégou est maintenant et sera désormais partie de l’empire britannique. Les troupes birmanes qui peuvent s’y trouver encore seront chassées ; un gouvernement civil sera tout de suite établi, et des fonctionnaires seront préposés à l’administration des affaires dans chaque district. Les habitans sont invités à se soumettre et à prendre confiance dans le gouvernement britannique, dont le pouvoir est irrésistible, comme ils l’ont vu, et dont la règle est juste et bienveillante. Le gouverneur-général en conseil, s’étant donné une réparation qu’il juge suffisante, ne désire faire aucune autre conquête dans le royaume birman, il consent à cesser les hostilités ; mais, si le roi d’Ava ne renoue pas ses anciennes relations d’amitié avec le gouvernement britannique, ou s’il cherche à reprendre le territoire que celui-ci déclare par les présentes lui appartenir, le gouverneur-général en conseil usera de nouveau de la puissance qu’il possède jusqu’à subversion totale de la nation birmane. »

Si les conquérans tartares du moyen âge faisaient moins de phrases, ils n’agissaient pas du moins avec plus de sans-gêne. Cette prise de possession d’une province entière, en dehors de tout traité et par une simple déclaration de lord Dalhousie, est bien