Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que brillante. Elle a duré réellement deux siècles et demi, s’est couronnée dans Honoré de tout ce qu’elle eut d’éclat et de noblesse, après quoi elle s’est éteinte deux générations plus tard d’un seul coup, et n’a prolongé son nom jusqu’aux approches de l’ère moderne que par des substitutions. Obscure et perdue dans les rangs de la féodalité sous les comtes de la maison du Viennois, on ne la voit activement commencer qu’à la fin du XIVe siècle avec Guichard, ami et conseiller de Louis II, duc de Bourbon, qui le nomma capitaine du Roannais et bailli du Forez. Tout régime politique nouveau qui s’établit crée des fortunes nouvelles ; or l’élévation des d’Urfé coïncide trop étroitement avec l’avènement au comté de Forez des ducs de Bourbon, et apparaît trop subitement dans la personne de Guichard pour ne pas faire penser qu’elle fut due à la faveur de ce nouvel état de choses. A partir de ce moment, leur fortune ne cessa de grandir, et, leur importance dépassant bientôt les étroites limites du Forez, nous les trouvons sous Charles VII et Louis XI au nombre des très gros seigneurs du royaume et parmi les principaux officiers de la couronne. Le plus illustre, Pierre II, celui-là même qui changea définitivement le nom d’Ulphé en celui d’Urfé, vécut sous trois règnes, et reçut de chacun des faveurs toujours plus élevées. Il semble avoir été homme d’une habileté peu commune, car nous le voyons conseiller de tous les princes successivement et même à la fois, et de tous il réussit à tirer profit. Il est vrai que ce qui explique cette singularité, c’est que ces princes étaient ceux qui composèrent la ligue du Bien public, le duc de Guienne, frère de Louis XI, Jean il de Bourbon, Charles le Téméraire, François il de Bretagne ; mais le comble de l’habileté, c’est qu’il réussit à se sortir des vengeances de Louis XI, et il l’avait mortellement offensé, car il avait été l’un des témoins et des participans à la fameuse entrevue de Péronne, et plus tard il avait consenti à être l’ambassadeur du duc de Guienne auprès de Charles, pour engager ce dernier à renouveler la guerre contre le roi. Bailli de Forez et chambellan de Jean il de Bourbon, chambellan et grand-écuyer du duc François il de Bretagne, chambellan et grand-écuyer de France sous Charles VIII, sénéchal de Beaucaire, capitaine de cinquante lances des ordonnances de France, gouverneur de Coussy en Vermandois, quasi grand-maître de l’artillerie sous Louis XII, tous ces titres disent assez à quelle hauteur il porta la fortune de sa maison. Enfin pour comble, étant devenu veuf de sa première femme, Catherine de Polignac, il se remaria avec Antoinette de Beauvau, issue des Bourbons-Vendôme, en se passant, dit le généalogiste, du consentement du duc et de la duchesse de Bourbon, et comme le bonheur, lorsqu’il a le caprice de s’abattre sur une certaine tête, s’acharne sur elle avec autant d’obstination qu’on en