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dissentimens à la faveur de la nouvelle loi d’élection. Qu’avions-nous promis de faire en attendant le jugement du pays, qui nous servirait à tous de règle définitive ? De maintenir les lois et les traités, de rétablir l’ordre gravement compromis à l’intérieur, et d’assurer la conservation de la paix extérieure, enfin d’en appeler, comme la majorité et comme l’opposition, franchement, loyalement et consciencieusement au pays, notre juge suprême à tous, et pour cela de faire exécuter avec l’impartialité la plus rigoureuse cette loi d’élection qui nous avait paru à nous-mêmes une transition trop brusque de l’état des choses antérieur à un état de choses nouveau, cette loi dont le sens avait été indiqué par nos adversaires eux-mêmes. Et cependant, messieurs, en acceptant avec empressement cet appel au pays, en restant chargés du soin d’assurer la liberté des élections, nous nous sommes montrés complètement impassibles, même sous le coup des attaques les plus violentes portées contre notre administration, et en présence des efforts les plus inouïs dirigés contre la conscience des électeurs et des candidats[1]. » Constatons en passant que le président du conseil était en droit de se rendre à lui-même cette justice, car elle lui avait été déjà presque unanimement rendue, lors de la vérification des pouvoirs des députés, par la chambre nouvellement élue, qui ne pouvait être suspectée de partialité envers lui, puisque quelques jours après elle ne donnait qu’une seule voix de majorité au candidat à la présidence de la chambre soutenu par le ministère. Constatons surtout, dans le grand acte de la dissolution de la chambre des députés, la ferme volonté de Casimir Perier de rester en communion avec la France et de se retremper dans ses sentimens comme dans la source vivifiante de son pouvoir. Casimir Perier avait conquis dès les premiers momens, dans la chambre des députés, une grande majorité qui, dans les votes de confiance, ne lui avait pas donné moins des quatre cinquièmes des voix, et quelquefois plus. Il ne songea pas un seul instant à en profiter pour retarder la mise en œuvre d’une loi dont il avait trouvé lui-même les bases trop étendues. C’était avec cet esprit libéral que Casimir Perier entendait que les lois fussent appliquées ; mais aussi, dans sa noble ambition de voir le droit commun suffire à la mission qu’il avait reçue du roi et de sa conscience, il ne voulait pas avec moins de fermeté que toutes fussent strictement et pleinement exécutées. En usant ainsi de tous les droits du pouvoir, il acquérait d’autant plus de force pour combattre et dominer les passions réactionnaires.

  1. Séance du 20 janvier 1832.