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fît un choix lorsqu’elle recevait les lettres royales ; mais les formes usitées variaient suivant les provinces, suivant les coutumes locales, d’après la constitution même de la cité ou le caprice de ceux qui l’administraient. Examinons successivement le mode d’élection dans les villes qui obéissaient directement au roi et dans celles qui possédaient une charte de commune.

Dans les premières, le représentant de l’autorité centrale exerçait toujours une influence considérable. On cite des villes dans lesquelles le prévôt royal nommait seul le député. Par un contraste digne de frapper l’attention, c’était également dans des cités placées sous l’administration des prévôts que nous rencontrons des députés choisis par l’universalité des habitans. Ainsi les villes prévôtales nous montrent à la fois les élections supprimées ou livrées au commun peuple, sur lequel le prévôt exerçait une action décisive. Les villes de commune, depuis longtemps maîtresses d’elles-mêmes, jalouses de leurs prérogatives et fidèles à leurs traditions, n’abdiquèrent jamais le droit de choisir leurs députés. Le plus souvent le maire et les échevins, issus eux-mêmes d’une première élection, prenaient seuls part au vote. C’était en réalité un suffrage à deux degrés. Le nombre des électeurs variait suivant les villes : souvent un certain nombre de bourgeois, habituellement réunis et consultés dans les grandes affaires, s’adjoignaient aux échevins ; il y avait des villes où le corps municipal appelait tous les bourgeois à exprimer leur vote ; on en cite à peine quelques-unes où, par une exception des plus rares, tous les habitans concouraient à l’élection[1].

Telles furent les origines diverses des députés qui s’assemblèrent pendant la première moitié du xive siècle, et qui tentèrent sous le roi Jean et sous la régence de son fils une grande révolution politique. Toutefois il est une modification qu’il nous faut indiquer, et que l’abaissement momentané du pouvoir royal a dû contribuer à faire naître. Sous le roi Jean comparaissent des députés qui représentent le clergé ou la noblesse d’un bailliage ou d’une province. En lisant les procès-verbaux et les chroniques, il paraît évident que tous les prélats et que tous les seigneurs ne se rendent plus aux états pour obéir à un ordre du prince, que parmi eux quelques-uns sont ani-

  1. Les recherches savantes de M. Boutaric (Bibliothèque de l’École des Chartes, 1860) et de M. Hervieu (Revue de législation française, 1873) ont puissamment contribué à éclaircir ces difficiles questions. Les procurations citées permettent d’assurer que les maires n’élurent jamais seuls les députés : les jurés, les échevins, les bourgeois, les pairs de la commune, leur étaient toujours associés ; la formule la plus fréquente est celle-ci : « le maire et les bourgeois. » Dans la Picardie, le Laonnais, le Soissonnais et la Flandre, où le régime municipal était en pleine vigueur, l’expression usitée est « le maire et les échevins. » Les prévôts au contraire nommaient souvent seuls ; voici la formule insérée en pareils cas dans les procurations : « le prévôt, du commun assentiment des habitans. »