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cahier, compilé dans des réunions de plus en plus nombreuses, devient l’expression vivante des aspirations d’un grand bailliage. Ainsi descendait, du roi aux derniers habitans, la volonté souveraine, et remontaient ensuite, de l’assemblée tenue sur la place du village à l’assemblée des états, les doléances nationales.


IV

A quelles conditions étaient soumises les qualités d’électeur et d’éligible ? Notre embarras serait grand, s’il fallait indiquer une règle précise. Dans les villages, nous avons vu que tout habitant prenait part à l’assemblée de paroisse ; il n’y avait donc pas d’exclusion. Dans les villes, une telle latitude eût été périlleuse ; l’assemblée se composait tantôt de tous les bourgeois, tantôt d’un certain nombre de notables arbitrairement choisis dans chaque quartier. Sur ce point, il faut consulter en détail l’histoire municipale de chaque ville. Tous ceux qui avaient le droit de prendre part aux élections municipales participaient aux élections de députés. A Dijon, nul n’était électeur, s’il ne jouissait d’un revenu de 4 livres. A Reims, la qualité de bourgeois de l’échevinage s’acquérait par la naissance ou par un long domicile ; partout en un mot le droit de bourgeoisie était exigé.

Les principes qui règlent l’éligibilité sont plus vagues encore : la possession de quelques biens-fonds, la résidence au temps des élections dans le bailliage, tels sont les principes que nous voyons rappelés, mais qu’aucune sanction ne paraît garantir. Les grandes charges ne créaient pas par elles-mêmes une incompatibilité ; mais, s’il y avait opposition entre les fonctions de l’officier et le mandat qu’il avait reçu des électeurs, l’élection elle-même était attaquée. C’est ce qui arriva en 1588 à Châtillon-sur-Seine, où, le lieutenant-général ayant été nommé, les échevins déclarèrent « qu’il ne pourrait librement présenter aux états le cahier de doléances contenant plusieurs remontrances sur la réformation de la justice et l’élection des gens du roi. » Cet abus, loin de s’atténuer, devint de plus en plus fréquent, et souleva de vives critiques, mais aucune mesure ne fut prise pour restreindre le libre choix des électeurs.

En fait, les électeurs se recrutaient, pour la plus grande partie, dans les deux catégories suivantes : les magistrats municipaux, maires, consuls, capitouls, échevins ou jurats, — et les juges subalternes, officiers de justice portant les titres les plus différens, mais ressortissant tous au bailli et tirant de leur compétence judiciaire une influence locale qui ne cessa pas de croître avec l’autorité royale du xiv6 au XVIIe siècle. On est fort surpris en pénétrant dans les villages de ne pas rencontrer, à la fin du XVIe siècle, une influence