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ce procédé par le drainage, qui non-seulement permet de diriger la marche des eaux, mais qui surtout est un moyen d’oxydation énergique.

M. Gérardin en a fait d’abord l’application à la féculerie de Gonesse, qui envoie au Croult chaque jour 150,000 litres d’eaux de fabrication et de jus de pomme de terre. En répartissant cette masse sur un terrain argileux de 2,000 mètres de surface, préalablement drainé ; on a constaté que les eaux étaient absorbées facilement, que la terre restait belle, parfaitement saine, et que l’infection du Croult, en aval de la fabrique, était notablement diminuée. Il résulte de cet essai que les eaux de féculerie, à la sortie de l’usine, sont inoffensives pour la végétation, et ne deviennent nuisibles que par la fermentation dans les fosses. L’amélioration de l’eau du Croult, après l’épuration de l’eau de l’usine de Gonesse en 1869, était également manifeste au printemps de 1870 ; les herbes vertes avaient reparu dans la rivière, et les poissons s’y montraient de nouveau. La féculerie de Gonesse avait été la cause principale de l’infection de l’eau ; aussi l’état général du Croult est devenu beaucoup plus satisfaisant malgré la présence des autres fabriques, dont une seule, une sucrerie, a suivi l’exemple. — Beaucoup de personnes croyaient encore que l’épuration des eaux de Gonesse était simplement due à la filtration. Le propriétaire de la féculerie du Bourget essaya en 1872 de faire écouler les eaux sur un terrain drainé de 500 mètres ; mais le sol fut infecté, et les eaux conservaient leurs propriétés nuisibles. L’année suivante, on les dirigea sur un terrain vingt fois plus grand, et aussitôt le succès fut complet. Au Bourget comme à Gonesse, on distribue l’eau par des gouttières en filets très minces, afin de les répandre sur tout le terrain. On obtient ainsi une oxydation suffisante, tandis qu’en amenant l’eau par des ruisseaux ou des rigoles on ne parvient pas à l’oxyder. Des expériences analogues ont été faites en 1871 à la cartonnerie d’Aubervilliers, et le ruisseau du Vivier a été assaini ; les bactéries en ont disparu.

La conclusion qui se dégage de ces recherches, c’est d’une part que les causes d’insalubrité qui résultent de la concentration des populations dans les villes et de la multiplication des fabriques sont plus graves qu’on ne le soupçonnait autrefois, et de l’autre qu’il est possible d’y remédier d’une manière efficace. Dès lors rien ne peut excuser l’incurie qui laisse le mal s’aggraver et attend, pour prendre un parti, l’intervention du législateur ou le terrible avertissement d’une épidémie. L’argent qu’on dépense en travaux d’assainissement, on le retrouve au centuple en bien-être et prospérité. N’est-ce donc rien que de constater la diminution, de la mortalité générale et une augmentation sensible de la durée de la vie moyenne ? Or c’est là la réponse de la statistique aux objections d’une économie mal comprise.


R. RADAU.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.