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Alors que d’autres pays en discutent la suppression, la Russie incline au salariat des cultes. Chez un peuple en effet où l’église est liée à l’état, le salariat du clergé offre à tous deux plus d’avantages que d’inconvéniens. Pour que le prêtre ait profit à se passer des subventions du gouvernement, il faut qu’il soit libre de sa tutelle. Dépendre à la fois de l’état par l’administration ecclésiastique et des fidèles par les besoins pécuniaires, c’est pour un clergé une trop lourde servitude. Pour qu’il n’en soit pas écrasé, il faut que l’une de ces deux dépendances l’affranchisse de l’autre. Dans un pays encore pauvre comme la Russie, subventionner le prêtre serait le meilleur moyen de le relever aux yeux du peuple. L’obstacle est dans les finances. Chacune des réformes de l’empire vient temporairement au moins peser sur son budget ; cette considération est une de celles qui ne permettent pas l’application immédiate de tous les progrès projetés. Le chapitre du culte orthodoxe est déjà un de ceux qui ont le plus grossi dans un budget dont tous les chapitres se sont singulièrement enflés. L’allocation du saint-synode a décuplé depuis une quarantaine d’années : en 1833, elle n’atteignait pas 1 million de roubles ; en 1872, elle était d’environ 10. Pour un clergé qui n’est pas salarié, c’est là un gros chiffre. L’administration bureaucratique de l’église russe est naturellement dispendieuse. Sur ce budget d’une quarantaine de millions de francs, la part du clergé paroissial est faible, et l’état ne peut guère l’augmenter que par des économies sur d’autres branches du service, sur les chancelleries ou les couvens par exemple.

Pour accroître les ressources du clergé sans augmenter les charges de l’état ou des fidèles, on a mis en avant un moyen que la France pourrait avec profit appliquer à son système administratif ou judiciaire : c’est d’élever les revenus de la classe en en réduisant le personnel. On se propose de diminuer le nombre des paroisses, de diminuer le nombre des serviteurs de l’église. À ce projet séduisant et déjà en voie d’application s’oppose un obstacle particulier à la Russie, l’immensité du territoire. D’après les comptes-rendus du procureur du saint-synode, il y a en Russie moins de 39,000 églises, auxquelles s’ajoutent 3,360 petites chapelles : sur ces églises, beaucoup ne sont point paroisses, beaucoup sont groupées dans les villes ou autour d’elles. En se bornant aux campagnes, on trouverait qu’avec un territoire dix fois plus vaste la Russie d’Europe a notablement moins d’églises, de paroisses que la France. Ce rapprochement donne une idée de la grandeur de certaines paroisses russes. Si le nombre en peut être réduit, ce n’est que dans les contrées les plus peuplées et surtout dans les villes, dans les vieilles cités russes, où, comme en Occident avant la révolution, la