Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/895

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

opérations cadastrales ont été précédées d’enquêtes destinées à fixer les droits de chacun ; presque partout les géomètres ont reçu, soit de l’administration, soit des propriétaires, la mission de procéder à la délimitation des terres. Des procès-verbaux constatant ce travail dût été signés par les intéressés. Des commissions composées d’habitans de chaque commune ont été chargées de concilier les différends qui sont survenus sur les limites : ces efforts, assure M. Noizet, ont obtenu partout plein succès, et nulle part les délimitations générales qui ont précédé le cadastre n’ont engendré de procès. Dans ces pays, les contestations entre voisins sont devenues rares ; toutes les difficultés sont tranchées par l’application des plans et des livres cadastraux qui sont, à proprement parler, la loi des limites.

En France même, l’initiative locale a fait sur quelques points ce que l’état n’avait pas osé entreprendre. Dans plusieurs communes, les opérations du cadastre ont été, à la demande des propriétaires, précédées de délimitations collectives : l’exemple de la commune de Valleroy (Doubs), qui en 1846 a révisé son cadastre, est de tous le plus ancien et le plus curieux peut-être à examiner. Avant le commencement des opérations, les propriétaires se sont concertés pour la délimitation de leurs terres, ont nommé trois arbitres pour statuer en dernier ressort sur les difficultés qui pourraient survenir, enfin les arbitres et le délimitateur ont signé un traité dont les dispositions finales méritent d’être rapportées. « Nous soussignés, arbitres et délimitateurs, en vertu des pouvoirs qui nous ont été donnés par le traité ci-dessus, déclarons avoir délimité selon notre conscience et conformément audit traité toutes les pièces de terre de la commune de Valleroy. » — « Le géomètre chargé de la rénovation de notre cadastre ayant soigneusement relevé les dimensions données entre chaque parcelle et chaque borne pour les établir sur les plans, il en résultera que lesdits plans seront la conséquence de notre opération et les seuls titres de propriété à l’avenir. » Ainsi dès 1846 un essai de cadastre, reposant, non plus sur la jouissance, mais sur les résultats d’une délimitation contradictoire, était fait avec plein succès. L’exemple de Valleroy a, paraît-il, été suivi par un assez grand nombre de communes ; 144, d’après M. Noizet, ont fait opérer sur leur territoire la délimitation des propriétés. On pourrait induire de ces résultats que l’administration s’est exagéré chez nous les résistances qu’elle rencontrerait dans une voie où tant d’intérêts semblaient devoir l’entraîner.

Quoi qu’il en soit, le jour où l’on songerait en France à refondre le cadastre, il ne semblerait pas possible de négliger les vœux unanimes de la propriété ; sans doute nos représentans voudraient méditer l’exemple des pays voisins, certainement ils ne trancheraient pas à la légère cette grosse question pendante depuis si longtemps :