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sont dans un antagonisme radical et s’excluent l’une l’autre, de telle sorte que l’une des deux au moins est subjective ; il ne s’agit que de savoir laquelle des deux. Quant à supposer qu’elles le sont toutes deux, nous verrons bientôt que cela est impossible.

Le caractère propre de l’étendue est de tomber sous l’imagination. La force au contraire, comme l’a dit Leibniz, se conçoit, mais ne s’imagine pas. L’étendue a trois dimensions, la force n’en a aucune ; il est vrai qu’elle agit suivant une direction que l’on peut représenter par une ligne, mais les dimensions de l’étendue font partie intrinsèque de l’étendue elle-même, tandis que la direction de la force est étrangère à sa notion. En outre l’étendue est indéfiniment divisible ; la force est essentiellement indivisible. L’étendue est inerte ; la force est active. Les deux propriétés, étant ainsi opposées, ne peuvent être attribuées au même titre au même objet. Comment pourraient-elles s’associer ensemble ? La force sera-t-elle répandue sur toute la surface de l’étendue, ou concentrée en un point ? N’ayant pas de dimensions, comment se comportera-t-elle par rapport à la dimension ? Comment la force active agira-t-elle sur l’étendue inerte, et quel mode d’action peut-on concevoir de l’étendue inerte sur la force active ? Il y aurait donc action sans réaction. Ne serait-ce pas revenir aux vieilles cosmogonies des anciens, qui composaient la nature d’un principe mâle et d’un principe femelle, d’un élément actif et d’un élément neutre ? Toutes ces oppositions prouvent manifestement que ces deux notions ne peuvent pas être réelles à la fois, et que, si l’une est objective, l’autre ne l’est pas. Lequel des deux termes doit être tenu pour certain d’une certitude absolue ?

Ici nous croyons pouvoir dire que la discussion faiblit un peu, et que l’argumentation n’est plus assez serrée. Au lieu d’une discussion véritablement approfondie de l’opinion très accréditée aujourd’hui qui nie la réalité de la force et n’y voit qu’une pure dénomination représentant la cause inconnue des phénomènes ou même une simple relation entre les phénomènes, M. Magy se contente de considérations un peu trop générales à notre gré, et il ne fait guère que reprendre les argumens dont il s’est déjà servi pour établir l’idée de force comme conception de l’esprit. Cependant ici il s’agit d’autre chose : il s’agit de la réalité essentielle et objective de la force ; une nouvelle discussion, et plus profonde encore que la première, eût été nécessaire, car c’est là qu’est le nœud du système. Quoi qu’il en soit, l’auteur prouve la réalité intérieure de la force dans l’âme par l’activité de la pensée, par les impulsions de la passion et de l’instinct, par la lutte contre ces instincts, par l’habitude, par la faculté locomotrice, par la force morale. Ce sont bien là sans