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tristesse, mon bien-aimé, lui dit-elle, qu’il me faille mourir, tandis que la mort n’a pas de pouvoir sur toi ! Je voudrais vivre ou mourir avec mon cher Dobosch.

— Qui t’a dit que je ne mourrais pas ? répondit l’imprudent ; je mourrai comme un autre quand mon heure sera venue.

— Tu n’es donc pas invulnérable ?

— Pas contre les balles bénites du moins !

Il parlait avec confiance, brave cœur !

— Tu plaisantes ?.. Si quelqu’un te tuait, mon Dieu, que deviendrais-je !

— Tu deviendrais une grande dame, car j’ai enterré un trésor qui en ce cas t’appartiendra.

— Quelle folie ! Si tu mourais, comment trouverais-je le trésor ?

— Sur la Tchorna-Hora, où sont les trois grands chênes : à côté des chênes, il y a trois pierres ; quand tu les soulèveras, tu trouveras trois trappes, et sous ces trappes le trésor.

Dzvinka enlaça ses bras blancs autour du cou superbe de Dobosch. — O mère, dit-elle, as-tu donc baigné ton fils dans le miel pour que je trouve une telle douceur à l’embrasser ? mon noir géant, que tu es beau ! Je veux me rassasier une fois par un seul baiser. — Et elle le baisa comme mord le serpent.

Lorsqu’il fut parti, elle appela son mari, qui rôdait furtivement autour de la maison. Il vint, et la regarda si douloureusement qu’elle se sentit émue de compassion, mais elle pensait en même temps au trésor de Dobosch, et la perspective d’être une grande dame riche lui plaisait beaucoup plus que ne la touchait l’angoisse de ce malheureux. — Veux-tu toujours faire sauter la cervelle de Dobosch ? commença-t-elle.

— Puisqu’il est invulnérable, répondit Stéphane avec découragement, qu’importe ma volonté ?

— Mais la mienne peut tout ; il ne vivra qu’autant que je le voudrai, pas davantage.

— Alors laisse-moi le tuer.

— Oui, Stéphane, tu dois le tuer, et nous nous partagerons le trésor.

— Tu sais donc où il cache son argent ?

— Oui ! tu ne t’attendais pas à cela ? Brûle-lui la cervelle, et le trésor est à moi. Je serai parée comme une comtesse, j’aurai cent serviteurs que tu pourras châtier à ta guise, mais moi, je te battrai, cher Stéphane.

— Bats-moi, mais laisse-moi tuer Dobosch.

— Viens, dit Dzvinka en passant dans sa chambre, tu peux m’ôter mes souliers.