Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sud de Madagascar ; à la mousson du sud-ouest, vers le mois d’avril, la course a lieu en sens inverse. Dans l’intervalle, on fait ses achats et ses affaires ; chacun a calculé son temps d’après le voyage qu’il se propose d’entreprendre. Entre les deux moussons existe une période de calme avec vents changeans, et l’on peut, en s’aidant des uns et des autres, naviguer vers le nord ou le sud ; mais, dès que la mousson est établie, il serait impossible de louvoyer, et l’on en suit la direction. De là un commerce d’échanges constant entre Madagascar, Zanzibar et Mascate, y compris tous les points intermédiaires de la côte. Madagascar fournit du riz, du bois, Zanzibar des cocos et du doura, le nord des bestiaux, du beurre ; Mascate, moins riche, n’a guère que ses dattiers. Un cabotage sur une immense étendue met périodiquement en rapport des gens de même race et de même religion. Les Arabes l’entreprennent de préférence, dédaigneux du commerce des villes, qu’ils laissent aux Indiens, et devant selon leurs lois s’interdire le prêt à intérêt.

Zanzibar et les états qui en dépendent sont plus riches que Mascate ; mais Mascate est la terre d’origine, le berceau de la famille, la métropole. Aussi, en divisant son héritage entre ses fils, Saïd-Saïd donne-t-il à l’aîné Mascate, et Zanzibar au second. Seulement, en raison de cette irrégularité de partage dans la succession, une soulte était due par le sultan de Zanzibar à son Frere, moins bien partagé. Les gouverneurs de Bombay, pris pour arbitres, fixèrent cette soulte au paiement annuel d’une somme d’environ 200,000 fr. Les arrangemens consentis de 1856 à 1861 n’ont point apaisé les différends entre Mascate et Zanzibar. Le sultan de Zanzibar se plaignait tout d’abord de ce que son Frere s’était emparé des propriétés de leur père à Mascate, qui devaient figurer dans l’héritage. En effet, il n’y a point d’état proprement dit, ni de domaine d’état ; les palais, les terres, les navires, les effets mobiliers, doivent être évalués en nature ou vendus pour arriver à la répartition édictée par la loi musulmane. Malgré ses protestations, dont il attendait en vain l’effet, Zanzibar payait le subside annuel ; mais, le sultan de Mascate ayant été assassiné par son fils, ce dernier fut détrôné, et le sultan de Zanzibar refusa de remplir à l’égard d’un usurpateur une obligation qui devenait un tribut humiliant. Le gouvernement anglais, par ses agens, tenta de faire prévaloir la doctrine que le subside était dû à la souveraineté et non au souverain, ce qui est en désaccord avec la théorie d’hérédité arabe ; puis, voyant qu’il rencontrait là une résistance dont il ne serait pas aisé de triompher, il poursuivit, à l’aide de ce débat, la réalisation des projets qui le préoccupaient.

Une des premières mesures fut de s’assurer un intérêt réel à Zanzibar.