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enfans, c’est rendre aux uns et aux autres, ainsi qu’à la société, un immense service. La loi proposée concilie l’obligation avec la liberté, puisqu’elle laisse aux familles le choix des écoles. L’état n’impose nullement celles qu’il fonde : à côté des écoles qu’établissent les communes, tous les citoyens ont le droit d’en fonder d’autres. Quant à l’insuffisance des ressources financières, M. Scialoja soutenait qu’elle est moins réelle qu’on ne l’avait prétendu. L’on ne créera pas tout d’un coup 15,000 écoles et autant de maîtres ; c’est avec l’aide du temps que se réaliseront les améliorations dont la nouvelle loi contient déjà le germe.

Les argumens tirés de l’insuffisance des ressources financières de l’Italie sont ceux qui ont fait sur la chambre le plus d’impression. Il est évident en effet que la gratuité de l’enseignement, augmentant considérablement le nombre des écoles et celui des élèves, exigera de la part des communes des dépenses plus considérables, et de la part du gouvernement de plus fortes-subventions ; mais l’immense bienfait qui résultera de la diffusion des connaissances utiles ne mérite-t-il pas d’être acheté au prix des plus grands sacrifices, et n’y a-t-il pas une foule de dépenses moins urgentes qu’il serait possible de restreindre ? »

M. de Sanctis s’est attaché particulièrement à combattre les dispositions qui conféraient aux communes des attributions considérables. « Il ne faut, dit-il, compter ni sur leur zèle ni sur leur intelligence : elles ont besoin d’être dirigées. Si en Prusse chaque commune s’occupe activement de la surveillance de l’instruction primaire, c’est qu’elle est puissamment secondée par les ministres du culte. » M. Scialoja a répondu « qu’il y a sur ce point, entre l’Italie et la Prusse, une grande différence. Si le clergé prussien favorise et a toujours favorisé le développement de l’instruction populaire, il n’en est pas ainsi du clergé catholique en Italie. Le gouvernement ne peut compter sur son appui, puisqu’il trouve au contraire chez lui une opposition systématique à tous ses efforts pour combattre l’ignorance. La société laïque est donc obligée de se passer d’un concours qui lui est refusé, et que d’ailleurs elle ne demande pas. Elle sait que le clergé, qui aujourd’hui réclame la liberté illimitée de l’enseignement, ne la désire que pour reprendre la direction de l’instruction publique et l’enlever à cette société laïque, qui est heureusement bien déterminée à ne plus s’en dessaisir. » Le sentiment exprimé par M. Scialoja s’est manifesté de la manière la plus accentuée, non-seulement dans les chambres, mais encore dans toute l’Italie. M. Correnti a été jusqu’à dire, en répondant à M. Lioy : « Moi aussi, je suis partisan de la liberté ; mais je n’admets pas la liberté laissée aux membres du clergé de corrompre les âmes et les