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depuis 1870 un télescope de dimensions colossales. Le tube et le miroir, qui a 4 pieds de diamètre, pèsent ensemble plus de 8,000 kilogrammes, et le mouvement d’horlogerie qui conduit cette immense machine est d’une précision telle que le fil du micromètre suit pendant plus d’une heure une étoile déterminée. Par mesure de précaution, on avait envoyé de Londres deux miroirs de 4 pieds au lieu d’un ; malheureusement ils avaient été dégradés l’un et l’autre pendant le trajet, il a fallu les polir à nouveau, et jusqu’à présent, malgré l’impatience et la mauvaise humeur des habitans de Melbourne, on n’a pas réussi à tirer du grand télescope tous les résultats qu’on s’en était promis. C’est que les instrumens de ce genre sont d’autant plus délicats que les dimensions en sont plus considérables, et ils exigent une longue pratique avant d’être employés avec fruit. Jusqu’à présent, la meilleure part des travaux de l’établissement de Melbourne est celle qu’on a exécutée avec l’outillage ordinaire des observatoires sérieux. M. Ellery s’est concerté avec les astronomes de Sydney et du Cap pour l’entreprise d’une grande revue du ciel austral, qui a été divisé en zones dont les trois stations se partagent l’exploration systématique. Une bonne partie de ces observations a été déjà publiée.

Le rapide tableau que nous venons d’esquisser suffit pour donner une idée de l’essor extraordinaire que l’astronomie pratique a pris non-seulement sur le sol des îles britanniques, mais sur tous les points du globe où la race anglo-saxonne a semé ses colonies. Les besoins de la navigation ont été pour beaucoup dans la création de quelques-uns des observatoires anglais les plus importans ; mais l’on a pu voir aussi combien était considérable la part des volontaires de la science dans l’œuvre commune. L’aristocratie territoriale, le haut commerce, la grande industrie, tiennent à honneur de se mêler aux savans de profession, ou du moins de coopérer à leurs travaux par une munificence éclairée ; peut-on faire de sa fortune ou de ses loisirs un meilleur emploi ? On a pu dire, à propos de l’organisation de l’observatoire de Greenwich, que l’esprit essentiellement pratique et utilitaire des Anglais se manifestait aussi dans la science, puisque tous les travaux à Greenwich sont dirigés en vue d’un but spécial, le perfectionnement incessant de cette partie de l’astronomie qui rend de si grands services à la navigation. Pourtant, à voir cette activité multiple qui se déploie dans les nombreux observatoires de la Grande-Bretagne et qui ne laisse en dehors de sa sphère aucune branche de la science du ciel, ne faut-il pas convenir qu’il y a là encore autre chose que la tendance au positif, que la recherche des applications immédiatement utiles ?

Il est à remarquer que les efforts des amateurs se sont particulièrement portés vers la réalisation d’instrumens de dimensions insolites, destinés à sonder les profondeurs du firmament. Or la construction de miroirs