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familles de souche royale, telles que les comtes de Trastamara, les ducs de Villahermosa, et les représentans de ces grands vassaux qui tenaient en tutelle les rois de Castille, les connétables et les almirantes, les ducs de Frias, d’Albe, d’Alburquerque, de Najera, d’Osuna, les descendans du grand Gonzalve et de Christophe Colomb, les familles même qui à des époques plus récentes avaient acquis une illustration de premier ordre, tous enfin viennent se ranger sous la bannière d’Isabelle II. Évidemment ils ne peuvent se faire d’illusion : un premier essai de liberté, de 1820 à 1823, leur a trop bien appris les douloureux sacrifices qu’on exigera d’eux, et malgré tout, pour eux qui ont suivi la discussion des pragmatiques, pour eux qui ont vu de près les tentatives illégales des carlistes sous Ferdinand VII, il n’y a pas de doute possible, le droit l’exige, l’honneur le commande, et sans hésiter ils sacrifient ce que l’aristocratie, comme corps, a de plus cher au monde, ses espérances de perpétuité, au sentiment du devoir. On a peine à comprendre après cela comment les légitimistes français ont pu se tromper au point de prendre les émigrés carlistes pour l’élite de l’aristocratie espagnole. Sans doute la plupart étaient nobles et de noblesse d’épée : les gens de qualité abondent chez un peuple qui a fait une croisade de huit siècles ; mais il y a loin de là à l’éclat des noms cités plus haut, comptés partout parmi ceux des plus grands seigneurs d’Europe, et qui tous embrassaient la cause libérale et légitime d’Isabelle II.

Aujourd’hui, il est vrai, le parti carliste compte quelques nouvelles recrues parmi les membres de la noblesse espagnole. Au lieu d’une famille du rang du marquis de Villafranca, on en pourrait citer trois ou quatre ; la proportion est la même pour les autres branches de la hiérarchie nobiliaire. Encore ces défections, si peu nombreuses qu’elles soient, n’auraient-elles pas eu lieu, si la restauration du prince des Asturies avait paru plus prochaine. En l’absence du véritable drapeau monarchique, au milieu de l’affreux désordre qui suivit l’abdication d’Amédée de Savoie, ils furent amenés, presque malgré eux, à se rallier au carlisme. Dans plusieurs provinces d’Espagne, Estramadure, Andalousie, Valence, les partageux se sont effectivement partagé les terres, et, bien que ces tentatives aient eu le sort qui les attendait inévitablement, la répression fut si lente et si molle que beaucoup ne se croient à l’abri du renouvellement de pareilles scènes que par le retour à une monarchie quelconque, pourvu qu’elle soit nationale.

On sait la lutte qui éclata vers la fin de 1872 entre les officiers d’artillerie et le gouvernement : ce corps des artilleurs passe pour le plus aristocratique de l’armée espagnole. Le général Cordoba, alors ministre de la guerre, ayant voulu leur imposer le général