Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/663

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gré du fonctionnaire intéressé ou non dans le résultat, laisserait une marge considérable aux accroissemens du revenu public, si l’on pouvait procéder non pas même à une révision exacte de cet impôt, mais si le gouvernement recevait tout ce que paient les contribuables. On nous affirme que le verghi leur coûte 180 millions, tandis que le trésor n’en reçoit que 73. Les concussions des agens intermédiaires s’exerceraient, on le voit, dans de larges proportions.

Une autre amélioration consisterait à soumettre à l’impôt foncier les biens vacoufs, qui appartiennent aux corporations religieuses et qui forment près des trois quarts du territoire de l’empire ; elles sont exemptes de toutes charges comme l’étaient aussi les immeubles situés à Constantinople et dans toute sa province par un privilège datant de la conquête. Les impôts directs ont été accrus récemment d’un droit de patente sur les commerçans, et d’un droit foncier sur le produit des maisons et sur les autres revenus à Constantinople. Le budget nouveau en bénéficie d’une somme de 16 millions 1/2 de francs.

La condition des sujets non musulmans en Turquie a été l’objet de bien des débats : sous la pression des puissances européennes, la Porte a consenti à leur accorder le droit de propriété et l’entrée dans quelques fonctions publiques ; mais le droit déporter les armes, s’il ne leur est plus absolument interdit, se change pour eux en une taxe d’exemption du service militaire, qui est obligatoire, et dont les chefs des différens cultes religieux perçoivent le montant qu’ils versent au trésor. La capitation, abolie par le hatti-humayoun de 1856, subsiste donc et s’appelle l’exonération militaire ; le produit en figure aux contributions directes, et on l’évalue à 18 millions 1/2 de francs.

L’ensemble des contributions indirectes constitue la plus forte ressource du budget, il dépasse 371 millions. Les dîmes y figurent pour la moitié ; elles ont été augmentées d’un quart l’année dernière ; avec la taxe sur les moutons, sur les porcs, on a tout ce qui compose le revenu perçu pour ainsi dire en nature et ce qui donnait lieu aux concessions des fermes, objet de tant de fraudes. Le gouvernement en quelques localités a établi la perception directe : l’arbitraire des fonctionnaires de l’état vaut-il mieux que la rapacité des fermiers ? Ceux-ci, qu’on appelle les dimiers, étrangers pour la plupart, fournissent à Constantinople un garant solidaire, sujet musulman, et revendent à un deuxième, troisième ou même quatrième spéculateur le droit de perception, que ce dernier va exercer sur les lieux avec les agens de l’autorité, Dieu sait à l’aide de quelles vexations pour les producteurs ! Les imposés s’associent quelquefois entre eux, rachètent leur dîme et la paient directement en argent ou en nature a l’agent de l’autorité locale. Dans les provinces où