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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre 1874.

Il faut bien passer ce temps d’automne et occuper ces loisirs que l’assemblée, en libérale souveraine, s’est généreusement accordés, qu’elle a par la même occasion donnés à tout le monde de la politique. Les pouvoirs publics sont en voyage ou vont à la chasse. M. le garde des sceaux, qui a la chance de recevoir des aubades dans l’Ardèche, promène autour de lui un regard satisfait et déclare à ses compatriotes que tout est pour le mieux sous le meilleur des régimes. Les hommes d’état au repos font des discours en province dans les comices de canton, mêlant l’agriculture et la politique. La commission de permanence, qui de temps à autre va troubler les solitudes de Versailles, attend de se réunir pour reprendre la grave affaire de l’exhibition des portraits de M. le comte de Chambord, qui donne du souci à M. le ministre de l’intérieur et sur laquelle les légitimistes sont décidés à engager la question de cabinet, s’il le faut. Les journaux enfin vivent de bruits, de redites, de polémiques fatiguées et de nouvelles du matin qui sont souvent démenties le soir. Ce n’est point un tort de faire ce qu’on peut ou de ne rien faire en vacances. Malheureusement, dans cette vie monotone, toujours incertaine au fond, comme dans les luttes ardentes d’hier qui renaîtront demain, il y a un trait frappant pour tous ceux qui réfléchissent. On dirait parfois, à voir comment tout suit son cours ou recommence, qu’il ne s’est rien passé il y a quelques années, que rien n’est changé, que la France n’a point été un instant plongée dans la cuve d’airain. On semble oublier que lorsqu’on a subi certaines épreuves, lorsqu’un pays a traversé des crises qui l’ont laissé mutilé, ébranlé jusqu’au plus profond de son être, il y a des conséquences inévitables. On oublie tout pour revenir le plus vite possible aux goûts, aux habitudes, aux passions ou aux frivolités d’autrefois.

De ces malheurs sans exemple qui ont brusquement bouleversé le cours des destinées de notre pays, on s’en souvient assurément, comme on se souvient d’une tempête de l’an passé. On se livre à des dévelop-