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si les circonstances le forçaient à quitter Rome ; mais le pape est au Vatican, le roi Victor-Emmanuel règne à Civita-Vecchia, et entre les deux villes il y a vingt lieues de terre italienne. Qu’on prévoie tout ce qu’on voudra. Si c’étaient des circonstances révolutionnaires qui vinssent assaillir le saint-père au Vatican, si on avait à le délivrer d’une véritable captivité, dont on ne fait pas apparemment peser le soupçon sur le roi Victor-Emmanuel, à quoi servirait l’Orénoque ? Si le pape n’est captif que comme il l’est aujourd’hui, s’il peut partir et s’éloigner librement, comme cela n’est point douteux, l’Orénoque ou tout autre bâtiment français est à sa disposition au premier signal, qu’il soit à Toulon ou à Civita-Vecchia. La France n’a pas besoin de laisser un navire dans une situation irrégulière pour assurer sa déférence et sa protection au souverain pontife. Le gouvernement le sait bien ; ceux qui cherchent à détourner une résolution de nature à dégager notre pays le savent tout aussi bien. S’ils insistent si vivement, ce n’est pas seulement pour avoir la satisfaction d’offrir un asile au saint-père, dont la sûreté n’est point en péril, c’est parce que l’Orénoque est à leurs yeux une dernière protestation contre la présence du roi Victor-Emmanuel à Rome. La marque de dévoûment au saint-siège ne leur suffirait pas, si elle n’était en même temps, ou avant tout, un acte d’hostilité contre l’Italie et une dernière réserve pour l’avenir. Entretenir la division entre la France et l’Italie dans l’espoir de servir la cause des restaurations légitimistes et cléricales, c’est leur préoccupation la plus vive, ils ne le cachent pas. Que des partis qui ont les yeux fermés sur tout poursuivent cette coupable politique, ils ne sont que des partis. La diplomatie française ne peut évidemment avoir cette pensée ; elle ne peut, sous une forme quelconque, par une réticence quelconque, s’associer à une protestation contre un état de choses qu’elle a reconnu. Cette insistance même donne au rôle de l’Orénoque une signification que notre gouvernement désavoue à coup sûr et qui ne le met pas moins dans une position fausse, en éveillant d’un autre côté les préoccupations du gouvernement italien qui peut avoir, lui aussi, à contenir des insistances d’opinion dans un sens opposé. Les deux cabinets ont invinciblement le même intérêt à ne pas laisser subsister un si périlleux malentendu. Pour l’un et pour l’autre, la nécessité d’une mesure décisive, prochaine, est, si nous ne nous trompons, dès ce moment admise ; elle se dégage de la situation.

De quelle manière et sous quelle forme l’acte peut-il s’accomplir ? Franchement, dès que le principe semble admis, le moyen le plus simple et le plus net serait le meilleur. Il n’y aurait qu’à rappeler l’Orénoque de sa longue et inutile station devant Civita-Vecchia, en se bornant à déclarer, ce qui ne peut être mis en doute, que la France tient toujours un navire à la disposition du saint-siège, si le pape se décidait à quitter Rome, ce qui est encore plus douteux. La France le pourrait d’autant mieux qu’elle agirait aujourd’hui spontanément, librement ; elle ferait