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L’ambassade eut à se défrayer elle-même de toutes ses dépenses. En effet, pourquoi le gouvernement français prendrait-il à sa charge une ambassade qu’il n’a pas désirée et qui vient pour compliquer plutôt que pour simplifier les questions ? Il est vrai qu’à Mandalay la mission française avait été hébergée complètement, mais on peut répondre que, dans cette capitale encore peu connue, les hôtels brillent par leur absence, et que le roi ne pouvait laisser à la belle étoile cette mission qu’il appelait de tous ses vœux.

L’ambassadeur birman n’en fut pas moins traité avec tous les honneurs qui lui étaient dus. Les voitures de gala vinrent chercher les Birmans à leur hôtel, les amenèrent à l’Elysée, où un bataillon, avec le drapeau, leur rendit les honneurs. Le président de la république, entouré de ses ministres et de son état-major, leur fit le plus gracieux accueil, la maréchale leur offrit un goûter, et quelques jours après ils dînaient à la présidence. Des ordres furent donnés pour leur faciliter la visite de tous nos établissemens publics, tant à Paris que dans les environs, les principaux industriels de la ville leur firent voir leurs fabriques et usines. Enfin lorsqu’ils eurent pris congé du président pour se rendre en Italie, ils trouvèrent partout sur leur passage les préfets les recevant avec bienveillance et disposés à leur faire les honneurs de leurs villes. Lyon et Marseille attirèrent spécialement leur curiosité ; ils s’arrêtèrent à la Seyne et visitèrent Monaco.

Espérons qu’ils emportent une bonne impression de la France, de ses richesses, de son industrie et de ses forces. Si un jour ils se décident à faire appel à quelque homme intelligent pour débrouiller leur chaos financier et administratif, s’ils désirent quelque ingénieur pour tirer parti de toutes les richesses que contient leur pays, souhaitons qu’ils s’adressent à des Français, qui, agissant en dehors de toute considération politique et de tout appui de notre gouvernement, n’exciteront pas la jalousie des Anglais, qui au contraire verraient avec plaisir ce pays sortir de l’ornière, sachant bien qu’ils seront toujours les premiers à en bénéficier. Le dernier vœu que nous émettons, c’est que la France, déjà si dignement représentée par les missionnaires qui sont en Birmanie, n’arrive pas la dernière pour profiter commercialement d’un terrain que quelque courageux compatriote aurait préparé.


A. MARESCALCHI.