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assez grand nombre d’écoles ; les plus importantes à Constantinople sont l’école grecque du Phanar, qui réunit 300 ou 400 élèves, l’école arménienne d’Haskeuï, l’école juive d’Ortakeuï, l’école italienne dirigée par les jésuites à Péra, les écoles françaises des lazaristes et des frères de la doctrine chrétienne, les écoles allemandes, anglaises, etc. Il y a près de trois siècles que les jésuites français, remplacés plus tard par les lazaristes, ont ouvert à Constantinople des écoles de garçons ; à leur suite s’établirent les sœurs de charité et les frères de la doctrine chrétienne. Dans la plupart de ces établissemens, les programmes sont assez étendus et on étudie plus ou moins complètement le grec et le latin, la langue nationale, l’histoire, la géographie, la philosophie et les sciences.

On voit par là que l’enseignement secondaire est organisé chez les chrétiens et les juifs. Pour les Turcs, l’enseignement primaire est représenté par les écoles des quartiers ainsi que par les ruchdiyés et l’enseignement supérieur par les cours des mosquées et des écoles spéciales ; mais l’enseignement intermédiaire ou secondaire, qui complète le premier et prépare au second, n’existe pas, ou du moins n’existait pas avant l’année 1868. Cette lacune regrettable ne tendait à rien moins qu’à rabaisser constamment la race conquérante au-dessous des races conquises ; elle avait pour effet immédiat de peupler les écoles spéciales et par suite les emplois publics de sujets incapables ou insuffisamment préparés. On avait cherché à remédier à cet état de choses en entretenant à grands frais à Paris 40 jeunes gens qui devaient recevoir des leçons de maîtres distingués et rentrer ensuite en Turquie. Malheureusement, et par des raisons qui tenaient à son organisation, cette « école ottomane de Paris » n’a pas donné les résultats qu’on s’en était promis et a dû être supprimée.


II.

Il semblait naturel, dans une telle situation, d’essayer de fonder au sein du pays des écoles qui pussent offrir aux enfans les moyens de compléter leur instruction sous la surveillance de leurs familles et d’acquérir les connaissances littéraires et scientifiques indispensables à tout homme bien élevé, à quelque nation qu’il appartînt. Dès son arrivée à Constantinople, M. Bourée, ambassadeur de France, en conçut la pensée et poussa le gouvernement turc à créer des lycées d’enseignement secondaire dans les principales villes de l’empire ; il sut appeler l’intérêt du sultan Abdul-Aziz et de ses ministres sur cette entreprise patriotique ; il les inspira de ses conseils et leur fit adopter les mesures les plus propres à assurer le