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d’encouragement des billets pour visiter l’exposition pendant une semaine ; ils eurent droit à une indemnité qui équivalait à leur paie. La même commission se mettait en rapport avec les comités des départemens qui s’étaient formés pour faciliter le voyage à Paris des travailleurs manuels. Elle établissait au Champ de Mars un grand restaurant et des baraquemens à bon marché. Les délégués furent exacts à faire leurs rapports, plus nombreux cette fois qu’en 1862. Ils y apportèrent un peu plus de franchise d’allure ; le ton s’y animait davantage, cependant il ne devenait pas acerbe. Les réformes sociales y tenaient plus de place, mais elles étaient toujours les mêmes : droit de réunion, fondation d’associations syndicales et de sociétés coopératives, développement de l’enseignement professionnel. Le public intelligent et curieux de ces sortes d’études lut encore ces comptes-rendus, en retira de nouveau un sentiment de sécurité et de calme.

Lorsque l’exposition universelle de Vienne approcha, il était naturel que les ouvriers éprouvassent le désir d’y être représentés comme aux expositions précédentes. Par un de ces brusques changerons de fortune qui sont assez fréquens dans notre pays, l’assemblée nationale comptait parmi ses membres l’un des signataires de la demande adressée en 1862 au gouvernement impérial, M. Tolain, jadis ouvrier ciseleur. L’honorable député déposa un projet de loi afin que l’état allouât une somme de 100,000 francs pour couvrir les frais de l’envoi d’une délégation ouvrière à Vienne. Dans l’intervalle de l’exposition de 1867 et de celle de 1873, il s’était passé des faits trop graves pour que le succès de cette proposition fût assuré. Les réunions publiques des dernières années de l’empire avaient commencé à inspirer des doutes sur les intentions pacifiques des ouvriers parisiens : on avait alors assisté à un renouveau de socialisme et même de communisme ; les orateurs applaudis dans ces réunions populaires étaient, pour la plupart, les plus violens adversaires du capital et de la propriété. La bonne impression qu’avait naguère produite la lecture des rapports des délégués à Londres et à Paris en 1862 et en 1867 avait complètement disparu. Les excès de la commune n’étaient pas de nature à rassurer l’opinion publique. On voyait partout la main de la célèbre Association internationale des travailleurs, dont la fondation avait coïncidé avec l’envoi à Londres des délégués ouvriers à l’exposition de 1862. Le projet de M. Tolain, discuté dans la séance du 27 mars 1873, fut repoussé à une très forte majorité ; il ne rallia guère que les voix de l’union républicaine et de la fraction de la gauche qui en était voisine. C’est alors qu’un journal démocratique, aujourd’hui disparu, le Corsaire, eut l’idée de remplacer les subventions gouvernementales par une souscription publique : 60,000 francs furent