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des habitans de Berlin, qui lui attribuaient (et à tort) l’ordre donné aux troupes de faire feu sur le peuple. Il dut alors quitter le pays pour une « mission » à Londres, et la multitude ne se refusa point la satisfaction d’inscrire sur le palais du fugitif les mots de propriété nationale. Revenu d’Angleterre après l’apaisement de l’effervescence révolutionnaire, il se mit en 1849 à la tête des troupes pour aller étouffer en Bade une insurrection ridicule et prétexta « d’importantes opérations militaires, » qui le retenaient dans le sud de l’Allemagne, pour ne pas assister à la séance solennelle du 6 février 1850, où le roi Frédéric-Guillaume IV prêta serment au statut définitif.

Dans la suite pourtant, vers les dernières années surtout du règne désenchanté et morose de son frère, le prince de Prusse commença à se relâcher de sa rigueur « réactionnaire, » et fit notamment une opposition assez marquée aux influences « piétistes » à la cour de Potsdam. Des affections et des considérations de famille contribuaient, elles aussi, à créer au prince une situation à part. L’estime et la tendresse dont Frédéric-Guillaume IV entourait sa femme ne la consolaient pas toujours de la stérilité dont elle était frappée, et la vue d’une belle-sœur mère heureuse des enfans désignés pour la couronne, appelée elle-même probablement à occuper un jour le trône, amena dès froissemens et des irritations que ressentait vivement l’épouse de l’héritier présomptif. La princesse Augusta n’était pas d’humeur à supporter certaines piqûres. Issue de cette maison de Weimar qui s’était toujours distinguée par son goût pour les arts et les plaisirs de la vie, elle eut de bonne heure des connaissances, des amitiés à elle, et une attitude assez différente du train ordinaire de la cour pour ressembler parfois à une divergence recherchée avec intention. Ces dispositions de la princesse Augusta ne laissèrent pas d’exercer à la longue leur influence sur l’époux, et il n’est pas jusqu’au projet, longtemps caressé par le couple auguste, réalisé enfin en 1857, d’unir leur fils aîné à la fille de la reine Victoria qui ne fût regardé comme une avance faite à l’opinion populaire. Il me manqua pas en effet de courtisans à Potsdam, nous apprend le terrible M. de Varnbagen, qui se demandaient en leur âme et conscience s’il était bien digne de la maison de Hohenzollern de se lier par le sang avec une dynastie qui n’était souveraine qu’à demi et tenue en dépendance par une chambre des communes ! .. Que les temps et les mœurs ont bien changé à cette cour de Potsdam qui l’an passé a vu l’héritière présomptive du trône de Prusse et d’Allemagne, cette même fille de la reine Victoria, envoyer des télégrammes affectueux au docteur Strauss mourant, et rendre à l’auteur de la Vie de Jésus un