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minimistes instruits à l’école du docteur Newman ! La paix de l’église et de l’état serait assurée ; mais on peut se demander si les accommodemens qu’il prêche avec une éloquence pleine d’onction sont en faveur à la cour de Rome. Il n’a pas été désavoué ni condamné, ce serait un acte bien grave que de désavouer le docteur Newman ; — qu’en penserait l’église anglo-romaine, où son nom est en honneur, où son autorité est considérable ? Déclarer que le docteur Newman n’est pas catholique serait condamner bien des gens à ne plus l’être. On peut remarquer toutefois que M. Manning a été promu aux premières dignités de l’église, qu’il a reçu le chapeau, et que selon toute vraisemblance M. Newman mourra docteur et simple oratorien. On peut remarquer aussi que son dernier écrit ne lui a valu aucune de ces lettres de félicitation et d’encouragement dont Rome est prodigue pour ceux qu’elle aime ; — est-il sûr que nul adulateur, que nul sycophante n’en ait jamais reçu ?

Non, rien ne prouve que le minimisme soit en bonne odeur à Rome, rien ne prouve que « les prophètes voilés qui se tiennent derrière le trône » interprètent de la même manière que le docteur Newman les décrets du Vatican. Tout porte à croire au contraire qu’ils comptent se servir de ces décrets comme d’une arme de guerre, et qu’en les promulguant ils ont moins consulté le besoin des consciences que les intérêts de leur politique. Avant cette promulgation, manquait-il quelque chose à l’autorité dogmatique de l’église ? Assurément non. A-t-on voulu que le pape fût infaillible pour lui donner la liberté de compléter le Credo en proclamant de nouveaux articles de foi ? Il n’y a pas d’apparence, on sait à Rome qu’en fait de dogmes les consciences ont toute leur charge ; mais beaucoup de gens se permettaient de douter que Rome eût le droit d’intervenir dans les affaires politiques des états, et c’est ce doute impie et gallican qui a été condamné en 1870. Les prophètes voilés se sont promis d’écraser la tête du serpent ; le serpent, c’est la révolution, et la révolution, c’est tout gouvernement qui entend rester maître dans sa maison, qui n’admet pas que l’église soit un état dans l’état, un empire dans l’empire, et qui se croit autorisé à établir sans la consulter le mariage civil ou à proclamer la liberté de conscience dans un pays où la majorité est catholique. En 1855, le pape Pie IX a déclaré nulle et sans effet la loi piémontaise qui retirait aux ordres monastiques la personnalité civile, et il a excommunié quiconque avait pris part à la rédaction de cette loi. La même année, il a déclaré nuls et sans effet différens actes du gouvernement espagnol, y compris quelques mesures de tolérance à l’égard des cultes non-catholiques. Il a depuis condamné pour des crimes du même genre le gouvernement autrichien, le gouvernement mexicain, le gouvernement de la Nouvelle-Grenade, le gouvernement du Brésil. La majorité infaillibiliste du concile du Vatican a voulu donner aux anathèmes politiques du saint-père le caractère de décrets