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stitutionnel. Le prix des efforts de M. Canovas del Castillo, c’est cette réapparition d’un parti monarchique constitutionnel rallié autour du roi Alphonse XII. Après avoir ramené le roi, M. Canovas del Castillo a pour ainsi dire refait la royauté. Maintenant des cortès peuvent venir. La monarchie, restaurée il y a six mois, a pour elle non-seulement l’autorité et la force de la tradition, mais la garantie des institutions libérales dont elle est inséparable.

CH. DE MAZADE.


REVUE MUSICALE.

Nous voudrions aujourd’hui dire un mot de l’opéra de Lohengrin, que nous venons d’entendre à Londres, admirablement exécuté ; mais qu’on se rassure, du wagnerisme nous n’en parlerons pas, c’est là un vieux procès hors de cause et sur lequel il n’y a plus à revenir. En Allemagne comme ailleurs, une moyenne d’opinion s’est établie :


Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité ;


le propagandiste tapageur a cessé d’être un épouvantail, le musicien de l’avenir n’a plus désormais qu’à compter avec le présent, qui le traite selon son mérite, sans fanatisme ni prévention hostile. « Remettez-vous, mon cher, vous voyez ici un homme comme les autres. » Ces paroles de Méphistophélès à l’étudiant, M. Richard Wagner peut maintenant se les appliquer ; ses agissemens, ses contradictions, nul ne s’en occupe. Démocrate jadis, il voulait que l’art vînt du peuple ; aujourd’hui qu’il a trouvé son roi, son Lohengrin, il veut que la rénovation vienne d’en haut ; qu’importe ? ses opéras sont traités par les honnêtes gens avec les mêmes égards que ceux de ses confrères : les bons tiennent leur place au répertoire des grandes scènes de l’Europe ; on les joue entre Euryanthe et les Huguenots, les mauvais dorment tranquillement loin du scandale. Ses principes, qui ne furent jamais qu’une apocalyptique paraphrase des idées condensées par Gluck dans la préface d’Armide, ces fameux principes révolutionnaires ne nous menacent d’aucun danger, et parmi ceux qui les appliquent, les modérés sont les habiles : j’ai nommé les Gounod, les Bizet, les Massenet, et je joins à ma liste l’auteur de la Statue et de Sigurd, qui vient d’écrire un livre[1] où le sujet est traité nettement et sans phrases, en musicien qui sait le fond des choses et ne se croit pas obligé d’embrasser pour l’amour du mythe tous les Allemands qu’il rencontre sur son chemin. J’arrive à cette représentation de Lohengrin à Her Majesty’s, et il ne m’en coûte nullement de publier que ç’a été l’occasion d’un très grand succès et

  1. Notes de musique, par M. Ernest Reyer, 1 vol. in-18 ; Charpentier.