Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’après avoir desséché le lac de Harlem et le golfe de l’Y, on parle déjà sérieusement de rendre à la culture les 160,000 hectares que recouvrent les eaux du Zuiderzée.

Nous n’insistons pas davantage sur cette entreprise si complexe, confiée tout entière à l’industrie privée sans autre aide qu’une garantie d’intérêt et quelques avances faites par le trésor public. Par une association féconde entre des améliorations de diverse nature, la Hollande y gagne un port et un canal presque sans bourse délier ; c’est peut-être le premier exemple que l’on en puisse citer. Ceux qui seront curieux d’en connaître les détails d’exécution, qui font honneur aux ingénieurs hollandais, en trouveront l’exposé tout au long dans le savant ouvrage de M. Croizette-Desnoyers. Ils y verront encore comment s’organise en ce moment, un vaste port de commerce dans l’île de Walcheren. Flessingue était jadis un port militaire, à l’embouchure de l’Escaut. Le commerce y était à peu près nul, car Flessingue est séparé du continent par des bras de mer, et d’ailleurs Anvers, situé plus haut sur le fleuve, offrait aux navires toutes les commodités désirables ; mais Flessingue, ayant maintenant son chemin de fer, étant placé d’ailleurs au plus près de la côte anglaise, peut être adopté de préférence par la navigation rapide. Comment est-on parvenu à tracer des chemins de fer à travers ce pays découpé par tant de fleuves et de canaux et sur un sol si mobile ? C’est ce qu’il convient de montrer.

Il peut paraître étrange qu’en Hollande, où l’industrie privée a de si puissantes ressources, plus de moitié des chemins de fer aient été construits par l’état. Les compagnies se sont chargées des premières lignes qui reliaient les grandes villes ou rattachaient les Pays-Bas au reste de l’Europe ; mais, ces lignes, les plus productives et les moins onéreuses, une fois établies, il restait à créer des embranchemens moins profitables et d’une exécution plus difficile. Il fallait relier entre elles les gares d’une même ville, traverser des fleuves ou des bras de mer. Les compagnies n’auraient pu faire ces raccords qu’avec le secours de fortes subventions, d’autant plus qu’il y entrait beaucoup d’imprévu. Le gouvernement, secondé par d’habiles ingénieurs, préféra, non sans raison, s’en charger lui-même, et, les lignes une fois achevées, en remettre l’exploitation aux compagnies. On ne peut dire qu’il ait eu tort, quoique ce ne soit pas le système adopté chez nous. La Néerlande est un petit royaume dont le budget possède beaucoup d’élasticité. Cette association entre le trésor public et l’industrie privée a doté les Pays-Bas d’un réseau de plus de 2,000 kilomètres de long où les ouvrages d’art de première importance sont aussi multipliés qu’en aucun pays du monde.

Ainsi, pour aller de Flessingue à Rotterdam, il y a 130 kilomètres environ. Sur ce parcours, les rails traversent d’abord les deux détroits qui séparent les îles de Walcheren et de Sud-Beveland du continent. Comme l’eau y est profonde, on a pris le parti de les barrer tout à