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existé sous les mikados, mais elle était tombée en désuétude ; Yéyas la fit revivre, et, pour s’assurer des familles comme otages, il défendit aux garnisons chargées de surveiller les ; défilés des montagnes de laisser passer aucune femme venant de Yeddo.

Si l’alliance des principicules entre eux est repoussée, en revanche la solidarité intérieure du clan, est respectée. Les devoirs du vassal ou bayshin envers son seigneur sont rigoureusement tracés.. Il lui est seulement interdit de s’immoler par un suicide sur le tombeau de son maître, ancienne coutume qui avait déjà presque entièrement disparu alors. Désespérant sans doute de briser ces liens, les Cent-Lois les consolident sans leur permettre de s’étendre.

Ainsi renfermé dans sa principauté, le daïmio y jouit d’une autonomie limitée au début, Mais qui s’est constamment accrue. Aujourd’hui que toute cette aristocratie foncière a disparu, c’est au théâtre ou au roman qu’il faut demander de nous restituer le tableau de ces petits dynastes à peu près indépendans qui levaient les impôts à leur gré, façonnaient des lois, élevaient des temples, rendaient la justice dans leurs cours seigneuriales, faisaient la police, exigeaient et obtenaient des populations un respect sans bornes, tenaient autour d’eux une véritable cour, s’entouraient d’urne armée de fidèles, et, suivant qu’ils étaient cruels ou bienfaisans, remplissaient le pays de ruines ou le comblaient de prospérité. « Combien est vrai ce principe de Confucius que la bonté ou la méchanceté du prince se reflète dans la contrée ! » s’écrie avec douleur l’auteur du Spectre de Sakura, l’un des plus émouvans récits qu’on ait écrits en japonais des exactions d’un daïmio. Celui-là était un tyran sans entrailles, seigneur d’une province où s’élèvent encore les remparts du château de Sakura. Ses ministres pressuraient le peuple et le chargeaient de taxes si lourdes que les malheureux paysans résolurent de demander grâce à Yeddo. On détermine, non sans peine, Sogoro, le plus ancien du village, à se mettre à la tête des pétitionnaires ; arrivé à Yeddo, il jette son mémoire dans la litière d’un membre du conseil. Le lendemain, Sogoro est appelé auprès du personnage, qui lui fait dire : « On vous pardonne pour cette fois votre manque de déférence envers votre prince, mais une autre fois vous serez puni ; rentrez chez vous, et acceptez un mal que nous ne pouvons empêcher. » Sogoro, désolé, mais non découragé, va retrouver ses compagnons, et l’on arrête un parti désespéré ; l’un d’eux se chargera de remettre un mémoire au shogoun Jémitsu en personne. C’est encore à Sogoro qu’échoit cette périlleuse mission. Embusqué sous un pont voisin d’Ouéno, où le prince devait passer, il s’élance au moment où paraît la litière impériale et jette sa pétition, qui arrive à son adresse malgré la résistance de l’escorte. Cependant le shogoun a lu le mémoire et Ta renvoyé au daïmio