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territoire, les grandes lignes du réseau qui avait son centre à Paris, et il en a successivement concédé les différentes sections à des compagnies, soit après avoir exécuté tout ou partie de la construction, soit en accordant aux compagnies concessionnaires des subventions plus ou moins importantes. Ce travail accompli, il a tracé une seconde série de lignes formant un parcours transversal. Plusieurs milliers de kilomètres furent ainsi établis ; mais la répartition des lignes sur le territoire demeurait insuffisante et surtout fort inégale. Des compagnies s’étaient organisées facilement pour desservir les directions les plus profitables. À moins de procéder lui-même aux travaux de construction et de dépenser immédiatement un capital considérable, l’état n’aurait pu réaliser le programme qui lui était imposé par les exigences de l’intérêt public et par le sentiment de l’équité, programme qui consistait à faire circuler des voies ferrées dans chaque département et à relier autant que possible tous les chefs-lieux administratifs. On eut alors la pensée d’utiliser les compagnies existantes, dont quelques-unes étaient appelées à devenir très prospères, et de les charger de la continuation du réseau. Pour cette grande tâche, il fallait leur donner force et crédit. Les fusions successives ramenèrent à six le nombre des compagnies, fortifiées par cette concentration qui attribuait à chacune d’elles une proportion plus ou moins exactement équilibrée de lignes avantageuses, de lignes médiocres et de lignes improductives ou même ruineuses. Par ce moyen, les bénéfices des premières lignes couvraient le déficit des autres. En outre, reprenant ou développant un système qui avait déjà été appliqué en 1840, le gouvernement garantit aux compagnies l’intérêt du capital qu’elles auraient à dépenser pour la création et l’exploitation des lignes nouvelles : il leur donnait ainsi le crédit. — Ainsi fut exécuté le programme au moyen de combinaisons financières qui ont pour résultat d’associer dans une certaine mesure le trésor public à la fortune des compagnies.

Cependant la concentration de toutes les voies ferrées aux mains de six compagnies ne devait pas être définitive. En dehors du réseau concédé, il restait diverses régions où des chemins de fer pouvaient être utilement établis. Ces lignes furent livrées soit aux anciennes compagnies, soit, à défaut de celles-ci, à des compagnies nouvelles : telles furent les lignes qui composent le réseau des Charentes, de la Vendée, etc. La liste des chemins de fer ne sera jamais close ; les mouvemens de la population ainsi que les progrès de l’industrie et du commerce révéleront la nécessité d’ouvrir d’autres lignes présentant un intérêt national, et le principe déconcentration, qui est atteint déjà, pourra en souffrir d’une façon plus grave. Il suffit,