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financière de l’état. C’est la liberté absolue quant à la disposition des lignes, c’est la concurrence quant à l’exploitation.

Combien avons-nous lu de dissertations sur la valeur comparée des deux systèmes ! Il vaut mieux se borner à constater que dans chaque1 pays l’on a tout d’abord adopté le mode qui était le plus conforme aux principes de la législation générale et qui pouvait être financièrement le plus efficace. En Angleterre par exemple, où le rôle de l’état est limité autant que possible, l’abondance et la confiante hardiesse des-capitaux permettaient de compter sur les efforts des entreprises particulières pour créer et développer les voies ferrées. En France au contraire, pays de centralisation, où l’état est en toute chose surchargé d’attributions et de devoirs, il semblait rationnel que le gouvernement prît l’initiative, posât les premiers rails et se réservât le patronage d’une industrie qui n’aurait pas obtenu le concours des capitaux privés, rares et timides à l’époque où fut commencé le réseau. Les étrangers qui ont étudié cette question admettent généralement, que nos gouvernemens ont fait pour le mieux et que nous ne : posséderions pas autant de chemins de fer, si l’impulsion vigoureuse n’était pas venue de l’état. Tel est le langage des Anglais et des Américains, qui apprécient les résultats obtenus en France et n’hésitent pas à reconnaître que nous avons su, en matière de chemins de fer, nous garer contre les périls de la concurrence illimitée en atténuant les inconvéniens d’une centralisation trop absolue.

C’est donc en France seulement que le système français est critiqué. On lui reproche d’avoir ralenti l’extension du réseau, de maintenir un monopole qui est contraire au progrès, et de mettre les intérêts du public à la merci d’un petit nombre d’associations financières qui ont pris des proportions démesurées, incompatibles avec l’exécution d’un bon service. Il convient d’examiner si ces reproches sont fondés.

Pour démontrer que la France est demeurée en arrière quant à la construction des voies ferrées, on a établi le rapport entre la longueur des kilomètres exploités et la superficie du territoire dans les divers pays d’Europe, et l’on a observé que la France ne vient qu’au sixième rang, après la Belgique, l’Angleterre, la Hollande, la Suisse et l’Allemagne. Si l’on fait le même calcul par rapport au chiffre de la population, la France n’obtient encore que le cinquième rang, après l’Angleterre, la Belgique, la Suisse et l’empire allemand. Cette argumentation, à laquelle on prétend attribuer une rigueur mathématique, n’est pas exacte. Pour ce qui concerne le rapport des kilomètres exploités à la superficie du territoire, les petits états ne peuvent être comparés avec les grands, et il faut en outre tenir