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guère citer que l’exemple du canal latéral à la Garonne possédé par le chemin de fer du Midi. L’expérience a montré d’ailleurs que ces fusions n’ont point présenté les inconvéniens que l’on redoutait. Alors que les chemins de fer et les canaux se livraient à la guerre de tarifs, l’industrie était exposée à de constantes variations, à de brusques sautes de prix qui compromettaient la régularité des transactions en déconcertant tous les calculs. Grâce aux fusions qui se sont opérées, le partage s’est fait entre les deux voies de communication, qui se prêtent un mutuel concours pour effectuer tous les transports, et dont les tarifs respectifs varient peu. Quelle que soit l’extension des voies ferrées, la navigation conservera toujours une abondante clientèle parmi les nombreuses catégories de matières premières et de marchandises lourdes qui peuvent sacrifier la vitesse à l’extrême bas prix. Les états prévoyans doivent donc accorder, comme par le passé, leur sollicitude à l’amélioration des cours des rivières et à l’établissement d’un système complet de canaux. Les voies navigables et les voies ferrées ont également leur raison d’être et leur rôle profitable dans l’aménagement des forces productives d’un pays.

Il reste à examiner le reproche qui s’adresse à la concentration trop grande des divers élémens qui forment le réseau français. Le parcours des lignes concédées aux six principales compagnies, à titre définitif ou éventuel, dépasse aujourd’hui 20,000 kilomètres. La compagnie de Lyon-Méditerranée doit exploiter plus de 6,000 kilomètres, celle d’Orléans plus de 4,000. C’est la conséquence du régime de fusions qui a été consacré par la loi de 1858, afin de hâter la construction des chemins de fer en attribuant à chacune des compagnies, dans la région qu’elle dessert, une proportion suffisamment équilibrée de lignes productives, de lignes médiocres et de lignes ruineuses. Il ne faut jamais dans cette discussion perdre de vue le point de départ, le motif économique et financier du système de fusion, et, si ce régime était à certains égards sujet à critique, il conviendrait d’établir la balance entre les avantages incontestables qu’il procure et les inconvéniens qu’il pourrait présenter. Or l’un des inconvéniens les plus graves que l’on signale, c’est l’étendue excessive de chaque domaine d’exploitation. Comment est-il possible qu’une administration unique suffise à la tâche, quand il s’agit d’exploiter des milliers de kilomètres, de diriger un personnel dont l’effectif dépasse celui d’un corps d’armée, et de veiller efficacement aux détails si nombreux, si variés et si délicats qui se rattachent à cette énorme entreprise ? D’un autre côté, lors même que ce problème serait résolu, n’y a-t-il pas quelque imprudence à livrer aux décisions d’une compagnie unique