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aujourd’hui, en dehors des six grandes compagnies constituées en 1858, plusieurs compagnies secondaires qui ont obtenu des concessions assez importantes. Il faut construire des voies ferrées partout où l’exige l’intérêt général ; or les grandes compagnies, quelles que soient leurs ressources, ne se trouvent pas en mesure de donner immédiatement satisfaction aux demandes légitimes qui se produisent : il leur reste, sur les lignes qui leur sont concédées, de nombreux travaux à exécuter ; elles doivent solliciter, et il est juste de leur attribuer celles des lignes nouvelles qui se rattachent trop directement à leur propre réseau pour en être séparées et pour être attribuées à d’autres entreprises. Elles ne pourraient se charger de toutes les lignes qu’à la condition d’employer plus de temps à les construire et d’imposer aux populations des retards que celles-ci subiraient avec impatience. Par conséquent, si d’autres compagnies se présentent pour se charger immédiatement des lignes que les anciennes compagnies seraient forcées d’ajourner, et si elles offrent les garanties suffisantes pour la prompte exécution des travaux, il convient d’examiner leurs propositions. Seulement il est indispensable que ces nouvelles lignes ne soient pas tracées de manière à nuire directement au trafic des lignes existantes, car la concurrence que l’on introduirait dans le réseau pourrait bouleverser toutes les conditions économiques et financières qui régissent nos voies ferrées, ruiner l’ensemble du système et porter la plus grave atteinte non-seulement à la fortune des compagnies, mais encore aux intérêts du trésor et au crédit public. Il y aura là, pour chaque cas particulier, une appréciation qui sera souvent difficile et embarrassante, on se trouvera placé entre des sollicitations pressantes et des résistances non moins vives. On doit espérer cependant qu’après tant d’études le gouvernement et les assemblées législatives, tout en désirant hâter la construction des lignes jugées nécessaires, ne commettront jamais la faute d’ébranler dans ses assises le système de 1858.

En résumé, l’examen comparé du régime des chemins de fer en France, dans la Grande-Bretagne et aux États-Unis conduit à cette observation, que depuis quelques années, par des évolutions très inattendues, le régime anglais et le régime américain tendent à se rapprocher du nôtre. A la multiplicité des concessions, à la concurrence dans l’exploitation, succèdent les fusions, les concentrations, presque le monopole, d’où il est permis de conclure que la France fera sagement de persévérer dans un régime dont les pays étrangers lui empruntent les principaux traits ; elle doit surtout éviter les écueils d’où les Anglais et les Américains cherchent précisément à se tirer. Ce n’est point pour la constitution générale des réseaux,