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conçut alors le plan d’un dictionnaire capable d’empêcher de nouvelles fautes. Ce sera la liste de tous les noms de genres du règne animal avec l’indication des auteurs, la mention des ouvrages où ils sont inscrits pour la première fois et la date de la publication. Pour l’aider dans ce travail énorme et fastidieux, Agassiz fit appel à plusieurs zoologistes spéciaux ; dans l’espace de quelques années se trouva terminé un livre qui fort modestement a rendu des services réels[1].

Les Études sur les glaciers avaient été publiées en 1840 : on a vu de quelle façon Agassiz poursuivit ses recherches sur le sujet pendant les années suivantes ; un nouvel ouvrage était attendu. C’est à Paris que l’intrépide explorateur des hautes Alpes rédigea cet ouvrage au moment où il se préparait à visiter le Nouveau-Monde[2]. « C’est à Agassiz et à Forbes que nous devons presque tout ce que nous savons sur les phénomènes des glaciers, » écrivait naguère un excellent juge, M. Tyndall, l’observateur qui a dévoilé la véritable cause de la progression des glaciers, comparable à celle du fleuve qui coule sur une pente faible[3]. L’appréciation du physicien anglais suffit pour dispenser de tout autre éloge, si l’on ajoute simplement qu’Agassiz fut l’initiateur et Forbes le continuateur.

Décidément Neuchatel est abandonnée. La ville, ennoblie ! pendant douze années par le mouvement scientifique qui attirait dans ses murs l’étranger de haute distinction, est déjà retombée dans le sommeil. L’activité d’hier, l’inertie d’aujourd’hui, disent ce qu’une société gagne à la possession des hommes d’élite. Neuchatel conservera du moins le souvenir du savant qui lui donna un lustre passager. Dans le musée dont l’installation rappelle de grandes idées, on s’attendrait encore à voir passer l’auteur des études sur les glaciers et des recherches sur les poissons fossiles. C’en est fait, Agassiz, ne pouvant plus différer son voyage en Amérique, serre avec émotion la main de ses amis anciens ou nouveaux. Vers la fin de l’automne de l’année 1846, il traversait l’Atlantique. Nous le suivrons dans sa nouvelle carrière.


EMILE BLANCHARD.

  1. Nomenclator zoologicus, Soloduri 1842-1847.
  2. Nouvelles Études et expériences sur les glaciers actuels, 1 vol. grand in-8o avec un atlas de trois cartes et de neuf planches, Paris, 1847.
  3. Un aperçu des recherches récentes sur les glaciers actuels par M. Ch. Martins se trouve dans la Revue du 15 avril dernier.