Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prospèrent et s’enrichissent vite ; mais depuis dix ans, de tous les points de la France, même du centre et de la Bretagne, de la Lombardie, de Naples, de la Suisse, de la Savoie, de l’Irlande, arrivent de nombreux colons à la Plata. Ces races trouvent toutes à s’employer différemment, suivant leurs aptitudes, mais toutes avec profit : beaucoup se livrent aux travaux industriels et se groupent dans des villages où ils conservent leur patois, leur langue, leurs habitudes de vie ; beaucoup aussi, ne s’effrayant pas de la vie en pleine campagne, se consacrent résolument à l’industrie pastorale : ce sont presque exclusivement les Basques et les Irlandais. Parmi les autres peuples, le petit nombre qui émigré à la campagne ne rêve pas encore d’y posséder, n’accepte ces travaux que comme un pis-aller fort triste, et recule devant la solitude et le silence de la grande plaine, la fuyant à la première occasion. Tous ces nouveau-venus prennent vite les habitudes de leurs prédécesseurs, se contentant d’opposer à la finesse rusée au gaucho l’âpreté au gain et l’économie de l’Européen. Les railleries dont on l’accable au début font vite de cet étranger un cavalier aussi intrépide que tout autre ; de plus il sait mieux que le gaucho soigner son cheval et en tire un meilleur profit sans en abuser autant ; si même il est agriculteur ou s’il joint seulement pour ses besoins une petite culture à son habitation, il apprend vite à employer le cheval à labourer, à semer, à conduire la faucheuse, à ramasser le blé, à le battre et à le rentrer sans, pour ainsi dire, mettre pied à terre.

Le cheval est donc, à proprement parler, le vrai conquérant et le maître de la pampa ; sans lui, il n’y a ni industrie pastorale, ni séjour même possible dans ces plaines sans fin. Il est juste que nous lui donnions le premier rang dans l’étude des animaux qui peuplent ces déserts.


II. — LE CHEVAL.

Ce roi de la pampa, seul de tous les animaux domestiques, fit partie des premières expéditions à la Plata. Nayant d’autre but en remontant le Parana que de chercher par terre une route plus courte que celle du cap Horn pour arriver au Pérou, les Espagnols songeaient simplement à l’employer dans cette exploration. Les déceptions ne devaient pas leur manquer jusqu’au jour où, définitivement échoués sur ces rivages, ils pensèrent à utiliser les ressources qu’ils y rencontraient. C’est alors qu’ils eurent l’idée de tenter l’élevage et de faire revivre sur le nouveau continent cette industrie des peuples primitifs. D’Espagne partirent diverses expéditions spéciales ; les rois distribuèrent des concessions, nommèrent des chefs de