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d’organisation sociale. La répartition se fait non pas seulement en vertu de contrats qui évidemment doivent être libres, mais principalement en vertu des lois civiles et des sentimens moraux, dont il faut apprécier l’influence et juger l’équité. On a eu tort d’aborder les problèmes économiques isolément ; ils se rattachent intimement à la psychologie, à la religion, à la morale, au droit, aux mœurs, à l’histoire. Il faut donc tenir compte de tous ces élémens et ne pas se contenter de la formule uniforme et superficielle du laissez-faire. L’antagonisme des classes, qui a été de tout temps au fond des révolutions politiques, reparaît aujourd’hui avec des caractères plus graves que jamais. Il semble mettre en péril l’avenir de la civilisation. Il ne faut pas nier le mal, il vaut mieux l’étudier sous toutes ses faces et s’efforcer d’y porter remède par des réformes successives et rationnelles. C’est à la morale, au sentiment du juste et à la charité chrétienne qu’il faut ici demander des inspirations.

En résumé, tandis que les anciens économistes, partant de certains principes abstraits, croyaient arriver par la méthode déductive à des conclusions parfaitement démontrées et partout applicables, les Katheder-socialisten, s’appuyant sur la connaissance des faits passés et présens, en tirent par la méthode inductive et historique des solutions relatives qui se modifient d’après l’état de société auquel on veut les appliquer. Les uns, convaincus que l’ordre naturel qui préside aux phénomènes physiques doit aussi gouverner les sociétés humaines, prétendent que, toutes les entraves artificielles étant supprimées, du libre essor des vocations résultera l’harmonie désintérêts, et de l’affranchissement complet des individus l’organisation sociale la meilleure et le bien-être le plus grand. Les seconds pensent au contraire que sur le terrain économique comme parmi les animaux, dans la lutte pour l’existence et dans le conflit des égoïsmes, le plus fort écrase ou exploite le plus faible, à moins que l’état, organe de la justice, n’intervienne pour faire attribuer à chacun ce qui lui revient légitimement. Ils sont aussi d’avis que l’état doit contribuer au progrès de la civilisation. Enfin, au lieu de professer avec les économistes orthodoxes que la liberté illimitée suffit pour mettre un terme aux luttes sociales, ils prétendent qu’une série de réformes et d’améliorations, inspirées par des sentimens d’équité, est indispensable, si on veut échapper aux dissensions civiles et au despotisme qu’elles amènent à leur suite. C’est surtout en Allemagne que l’école nouvelle s’est développée. La raison en est que l’économie politique y a été rangée parmi les sciences « camérales, » c’est-à-dire qui ont l’état pour objet. On ne l’a donc jamais traitée comme une branche isolée, régie par des lois spéciales ; même les disciples orthodoxes de l’école anglaise, comme Rau, n’ont