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M. Louis Blanc, aller dans les réunions démocratiques prononcer des harangues pour fêter l’anniversaire de la naissance de Garibaldi et pour proclamer les droits de l’absolu en face des transactions constitutionnelles qui ont été récemment consacrées. Il vaut mieux soulever des incidens, se livrer à toute sorte de délibérations intimes pour savoir si on se prononcera sur la dissolution avant ou après le vote de la loi électorale, s’il y aura une crise ministérielle à propos du scrutin d’arrondissement ou du scrutin de liste. On n’est jamais au bout des discussions irritantes ou inopportunes, et c’est ainsi que passent des jours qui pourraient sûrement être mieux employés quelquefois par une assemblée pénétrée d’un plus juste sentiment de sa situation et de la situation du pays.

C’était, à vrai dire, une question de savoir si cette loi sur l’enseignement supérieur, qui vient d’être votée définitivement, qui pendant quelques jours a partagé et passionné l’assemblée, n’aurait pas dû être renvoyée à un parlement nouveau, au lieu d’être une sorte d’acte testamentaire d’une chambre arrivée au terme de son existence, épuisée de divisions. Puisqu’on y tenait, il fallait du moins imprimer à cette grande réforme le large et libéral caractère d’une transaction faite pour rallier tous les esprits sincères. Il y avait un double intérêt : la loi aurait obtenu ainsi une immense majorité, et par cela même elle eût défié d’avance toute réaction. Malheureusement cette œuvre, depuis longtemps préparée par une commission dont M. Laboulaye était le rapporteur, destinée à vivifier l’instruction par la liberté, à stimuler l’enseignement public par la concurrence, cette œuvre s’est compliquée en chemin de tant de corrections, d’additions ou d’amendemens improvisés qu’elle a fini par être comme un succès de parti.

Quelle sera, au point de vue du développement des esprits, l’influence de la loi nouvelle ? On croit toujours à la fécondité de l’émulation, à l’efficacité de la concurrence des établissemens libres. On invoquait déjà ces raisons il y a vingt-cinq ans ; la loi de 1850 a été faite pour relever l’instruction secondaire, et les études n’en ont été, que nous sachions, ni plus florissantes, ni plus solides. La vérité est que nul ne peut dire ce qui résultera de la liberté qui vient d’être proclamée. Au point de vue politique, il est bien clair que la droite a poursuivi avec une opiniâtreté singulière un triomphe d’opinion, et que si elle n’a pas mis dans la loi tout ce qu’elle aurait voulu, elle y a introduit tout ce qu’elle a pu. Elle n’a pas même pris la peine de déguiser ses arrière-pensées et ses intentions ; elle s’est proposé d’assurer à l’église des moyens d’action de plus, de prendre en quelque sorte un gage sur l’avenir par l’éducation, de combattre par l’enseignement religieux l’enseignement laïque, et c’est M. Chesnelong qui l’a dit avec une redoutable naïveté : « Vous ne voulez pas de nos écoles pour vos enfans, eh bien ! nous ne voulons pas de vos écoles pour les nôtres. » M. Chesne-