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toujours interrogées avec curiosité, des voyages princiers, un deuil à Vienne et les élections bavaroises. Berlin est maintenant désert, et les journaux teutomanes n’ont d’autre ressource que d’imaginer des fables sur les relations personnelles de M. de Gontaut-Biron avec la cour de Prusse. L’empereur Guillaume fait ses cures habituelles à Ems ou à Gastein pendant que M. de Bismarck est allé se reposer à Varzin. L’empereur Alexandre, regagnant la Russie, est rejoint sur la route par l’empereur François-Joseph, qui lui fait cortège pendant quelques heures en wagon. L’impératrice d’Autriche et l’archiduc Albert viennent respirer l’air salin de nos côtes de l’Océan à l’abri de l’hospitalité française, qui ne leur manquera pas. Ainsi vont tout doucement les choses, tandis que de ce monde des vivans et des royautés disparaît un vieux souverain qui a porté la couronne des Habsbourg, et dont on ne parlait plus depuis longtemps, l’empereur Ferdinand.

C’était comme une image survivante et oubliée d’un passé qui est déjà bien loin. L’empereur Ferdinand avait plus de quatre-vingts ans, depuis plus d’un quart de siècle il avait cessé de régner. Il avait succédé en 1835 à l’empereur François Ier, l’antagoniste, bien inégal par le génie, de Napoléon, — le père de Marie-Louise. Au milieu des révolutions de 1848, il avait abdiqué en faveur de son neveu François-Joseph, qui avait alors dix-huit ans et qui règne encore. L’histoire de l’Autriche de ce siècle est écrite dans ces trois noms d’empereurs. François Ier, c’est encore, au moins jusqu’à 1805 et par le souvenir, l’Autriche du vieux saint-empire. Ferdinand, c’est l’Autriche de la confédération germanique et de la sainte-alliance, assoupie dans les douceurs de Vienne, gouvernée par M. de Metternich. François-Joseph, l’empereur régnant, c’est l’Autriche éprouvée et transformée, exilée de l’Allemagne, réconciliée avec la Hongrie, ayant encore à faire sa paix avec la Bohême, c’est l’Austro-Hongrie avec ses blessures, ses embarras et ses nouveautés libérales, sa constitution, ses parlemens multiples. L’empereur Ferdinand n’était pas de ce monde nouveau. Après son abdication, il s’était retiré dans le vieux château historique de Hradschin, à Prague, où il vivait en solitaire, étranger à la politique, s’occupant, dit-on, de ses fleurs, faisant le bien avec simplicité, vieillissant doucement auprès de l’impératrice, qui était une princesse de Savoie, et ayant mérité de son vivant d’être appelé « le débonnaire. » Depuis 1848, il n’avait plus revu Vienne, qu’il aimait ; il n’y est rentré que mort au milieu de la pompe des funérailles impériales. Jamais, depuis qu’il avait quitté le trône, le bon souverain n’avait fait autant de bruit que le jour où il a disparu de ce château de Hradschin, dont il était l’hôte si peu bruyant.

Les Tchèques honorent sa mémoire comme pour saisir une occasion de plus de revendiquer leurs droits en rappelant que ce fut le dernier roi de Bohême couronné à Prague, et d’ingénieux nouvellistes, qui met-