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ultramontains, qu’ils accusent de préparer la ruine de la Bavière, d’être infidèles à l’Allemagne, de pactiser avec l’ennemi. Dans ces ébats électoraux, le prétendu miracle de Lourdes, l’infaillibilité papale, les pèlerinages, le sacré cœur, jouent un certain rôle d’épouvantail, et la France naturellement est toujours là pour essuyer les derniers éclats de la verve teutonne. C’est contre la France qu’il faut rester armé, « armé jusqu’aux dents ; » il faut se tenir en garde contre la rage de ce « voisin toujours remuant, sur lequel on ne peut jamais compter. » En passant de Berlin à Munich le thème ne varie pas et il paraît qu’il produit toujours son effet.

Que sortira-t-il de ce scrutin qui s’ouvre demain, et dont le résultat définitif ne sera connu que dans quelques jours ? Évidemment un succès un peu décisif des catholiques, des « patriotes » bavarois, ne manquerait pas d’une certaine gravité, d’une certaine signification. Ce serait un échec pour la politique de M. de Bismarck. Le ministère de Munich se trouverait dans une situation assez embarrassée. Il ne faut cependant rien exagérer, et les teutomanes de Munich peuvent se rassurer, la France ne se fait aucune illusion sur la portée des élections bavaroises, quel que soit le parti qui triomphe. Le succès des particularistes, des catholiques, peut être un embarras ou un avertissement, il ne peut aller bien loin parce qu’il irait se heurter contre cette force des choses qu’un orateur des réunions électorales résumait récemment en disant : « Un cabinet ultramontain serait peut-être en état de gouverner, mais il serait incompatible avec l’empire. » Il pourrait tout au moins n’être pas longtemps compatible avec M. de Bismarck, — et « cela pourrait nous coûter très cher, » a dit avec candeur l’orateur bavarois. Le roi Louis II lui-même n’est probablement pas fort disposé à engager de telles luttes. Il a bien pu quelquefois montrer de l’humeur contre la prépotence prussienne en s’abstenant d’aller à Berlin, ou en se donnant le plaisir d’aller courir les montagnes pour éviter de rencontrer le prince impérial lorsque celui-ci visitait les troupes en Bavière ; mais le jeune souverain n’a pas l’humeur tenace : depuis quelque temps, il a fait des frais de coquetterie avec M. de Bismarck, et il s’est rencontré tout récemment avec l’empereur Guillaume. Il a rompu en certaines circonstances avec les catholiques ou du moins avec la politique du parti. C’est après tout le roi Louis qui en 1870 a pris l’initiative des démarches auprès des princes allemands pour la résurrection de l’empire, il en subit les conséquences, et, quelle que soit l’issue des élections, il sera bien obligé de suivre, tout au moins dans une certaine mesure, la politique impériale. De toute façon, les catholiques, s’ils triomphent, seront tenus de rester dans certaines limites, ou ils iront au-devant d’une dissolution nouvelle du parlement. Ils sont suffisamment prévenus par tout ce qui se dit à Berlin, et le mi-