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ainsi dire au cœur des positions ennemies, de sorte que les carlistes sont refoulés et resserrés de tous côtés.

Que ces opérations si heureusement inaugurées se poursuivent sans trop de désavantage, la cause du prétendant est fort en péril. Don Carlos du reste en est à ne pouvoir plus dominer qu’avec peine les divisions qui sont dans son camp. Il vient de destituer le général Mendiri, qui commandait ses forces, et ce sont les chefs les plus violens qui l’emportent dans ses conseils comme dans son armée. C’est d’un mauvais augure pour lui et d’un heureux présage pour le gouvernement du roi Alphonse, qui trouve dans le succès de ses généraux le prix du soin qu’il a mis depuis quelques mois à préparer cette difficile campagne.

Tout n’est point fini, il s’en faut, l’action militaire a du moins bien commencé, et, sans détourner son attention de la guerre, le gouvernement de Madrid peut mettre la main à l’œuvre constitutionnelle qu’il a entreprise de concert avec une commission composée de représentans de tous les partis libéraux. Entre la commission et le gouvernement d’ailleurs tout est déjà réglé, les parties essentielles de la constitution sont fixées. Le libre exercice des cultes est consacré, et, si l’on n’est pas allé jusqu’à une pleine et entière liberté des manifestations extérieures, c’est qu’on a cru devoir s’arrêter devant des considérations d’ordre public. Ainsi marche cette délicate affaire de la restauration d’une monarchie libérale que M. Canovas del Castillo a le mérite de poursuivre avec autant de prévoyance que d’habileté, avec autant de résolution que de souplesse. Les difficultés ne lui sont pas épargnées, elles lui viennent parfois de l’extérieur autant que de l’intérieur. Il est très probable que ce n’est pas dans une intention de sympathie qu’on fait courir de temps à autre tous ces bruits sur le mariage du roi ou de la comtesse de Girgenti, princesse des Asturies. Tout récemment encore, on a livré au public cette énigme du prochain mariage de la sœur du roi avec un prince de Hohenzollern qu’on n’a même pas pris soin de désigner. La vérité est que ce sont là des bruits cachant des intrigues, — que la comtesse de Girgenti, jeune femme de vingt-quatre ans, ne semble nullement pressée de voir finir son veuvage, et que le jour où la question sera sérieusement agitée, le gouvernement espagnol trouvera sûrement sans peine un prince libéral, éclairé, dont le nom ne puisse prêter à aucun commentaire ou éveiller des susceptibilités extérieures. L’Espagne a encore d’autres affaires sérieuses avant de s’occuper du mariage de ses princes.

CH. DE MAZADE.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.