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d’Apsley-House, et restèrent là pour l’attendre. Le duc, quand on vint lui annoncer qu’on apercevait la voiture du roi, descendit en toute hâte, tête nue, et demeura sur le seuil de sa porte, au milieu de ses valets et des gens de toutes conditions, afin de le voir aussi passer. Sa majesté, ayant conduit le roi de Wurtemberg chez Grillon, n’arriva à Apsley-House qu’à huit heures un quart. Il s’y trouvait environ quarante-cinq personnes, mais point de femmes. La moitié des ministres et presque tous les ambassadeurs étrangers s’y trouvaient avec un mélange de monde assez hétérogène. J’étais à la soirée de lady Salisbury quand le duc de Sussex vint faire à Sefton le récit sommaire de ce qui s’était passé et du discours adressé par Guillaume IV à la compagnie. « Vous et moi, milord, dit le duc de Sussex, nous sommes de vieux whigs, ainsi je puis vous avouer que j’ai été assez surpris des paroles du roi… » J’allai ensuite chez Crocford, où je trouvai Matuscewitz, qui nous raconta le dîner. Les deux rois s’étaient rendus à table en se donnant le bras, et le duc les suivait. Le roi s’assit entre lui et le roi de Wurtemberg. Après dîner, la santé royale ayant été portée, Guillaume IV remercia en peu de mots, sans se lever, promettant d’en dire davantage quand il proposerait lui-même un toast. Un peu auparavant, il avait chargé Douro d’aller dire aux musiciens de jouer leur valse la plus joyeuse pour le moment où il porterait son toast. Alors il commença par proposer de boire à la santé de la reine de Wurtemberg, ce qu’il accompagna de grandes louanges pour elle, vantant le bonheur conjugal du roi, thème assez peu agréable à celui-ci, car la fidélité conjugale n’est pas son fort. Ensuite il dit de nouveau à Douro d’ordonner aux musiciens de jouer l’air le Conquérant s’avance, puis il se leva. Comme toute la compagnie en faisait autant, il la pria de se rasseoir, et ajouta qu’il était depuis trop peu de temps sur le trône pour savoir si l’étiquette voulait qu’il parlât assis ou debout ; à tout hasard, comme il avait toujours eu l’habitude de parler sur ses jambes, il y resterait encore cette fois. Alors il proposa la santé du duc, et, la faisant précéder d’un long discours, il commença par une comparaison entre son hôte et le duc de Marlborough, remonta jusqu’au règne de la reine Anne, rappela que le duc de Marlborough avait de son temps reçu l’appui de son gouvernement, tandis que le duc de Wellington avait été si peu soutenu au début de sa carrière, alors qu’après la bataille de Vimeiro il avait eu contre lui toutes les forces du pays. Il dit encore que, malgré toutes ces difficultés, la carrière du duc n’avait été qu’une longue suite de victoires sur les armées de la France. À ce moment, s’apercevant de la présence de Laval, l’ambassadeur du roi Charles X, il se tourna vers lui, et lui dit : « Souvenez-vous bien, duc de Laval, quand je parle de victoires sur les armées françaises, que ces armées n’étaient pas celles de mon allié et ami le roi de France, mais qu’elles étaient commandées par l’homme qui avait usurpé son trône et contre lequel vous avez vous-même combattu. » Il est revenu encore à la carrière du