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quoiqu’ils aient toujours été marqués au coin d’une très grande habileté. Entré dans la vie comme le produit et le champion d’un système depuis longtemps condamné et maintenant abandonné par l’opinion publique, on peut, sans injustice, attribuer les maux qui ont résulte de la chute de ce système au manque de sagacité de Peel, à la fausse appréciation qu’il a faite des moyens de défense de ses adversaires… Si, remontant plus haut dans la longue carrière de Peel, nous cherchons quelles ont été les mesures politiques auxquelles son nom est plus particulièrement attaché, nous trouvons d’abord le paiement en numéraire, considéré aujourd’hui comme une méprise fatale, quoique, après tout, il ne soit peut-être pas généreux de faire retomber sur lui seul les inconvéniens d’une mesure alors sanctionnée par les plus grandes autorités financières, — son opposition à la réforme électorale et à toute émancipation religieuse, — l’obstination avec laquelle il a voulu maintenir intact et sans aucune amélioration le système exclusif des églises d’Angleterre et d’Irlande. Sur toutes ces matières, sa résistance au moindre progrès, soutenue par un incontestable talent, a été longtemps couronnée de succès ; mais le régime qu’il s’efforçait de maintenir ne pouvait toujours durer, et, lorsqu’il en vint à se laisser gagner lui-même par les idées libérales de notre temps, il s’est trouvé dans une grande perplexité entre ses anciens erremens et ses nouvelles opinions. Encore enchaîné par ses antécédens, il a dû lâcher pied, mais toujours trop tard pour sa réputation et aussi pour le succès… Malgré tout, si un jour son expérience et ses talens ont le champ libre, en dépit de son caractère égoïste et désagréable, il peut se faire encore une grande position comme ministre. »


Après le portrait de sir Robert Peel, dont on ne peut nier la ressemblance, Greville se plaît à indiquer quelques traits de celui de lord Stanley (depuis lord Derby).


« Nous avons les courses dans la matinée, écrit Greville, suivies d’un excellent dîner, et la soirée se passe à jouer au whist ou à colin-maillard… Qui pourrait croire que l’on a devant les yeux le premier orateur de la chambre des communes, le premier homme d’état après Peel, si même il vient après Peel ? Celui sur qui reposent les destinées du pays est là, uniquement occupé du turf, ne songeant qu’aux chevaux, ne s’intéressant qu’aux paris, vif, toujours en mouvement, de belle humeur, has méditons nugas et totus in illis. C’est chose curieuse de voir Stanley pendant la soirée entière absorbé par la table de jeu comme si sa fortune en dépendait. Ainsi se délasse cet homme, qui a dévoué son existence aux plus grands objets et aux plus sérieuses pensées. »


C’était le moment où le ministère de lord Grey restait en fonctions après les tentatives inutilement faites pour former un autre