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de son blanchissage, de ses besoins temporels en général. Les sœurs servent à la cuisine l’une après l’autre un mois de suite ; on les emploie en assez grand nombre pour que le travail n’ait rien de fatigant. La nourriture est simple, mais suffisante : jamais de porc ; il n’y a que fort peu de shakers qui mangent de la viande, et un grand nombre s’interdit tout ce qui sort des animaux : le lait, le beurre, les œufs, ce qui ne les empêche pas d’être robustes. Ils font une grande consommation de fruits ; leurs jardins potagers, leurs vergers, sont admirables.

Après le déjeuner, qui a lieu à six heures, les surveillans subordonnés aux diacres conduisent leurs employés respectifs à l’ouvrage. Au moment de la moisson, quand on a besoin de bras supplémentaires, il est aisé d’en trouver dans les différens corps d’état ; les femmes ne font aux champs aucune besogne rude. Règle générale, les trembleurs, quelque industrieux qu’ils soient et attentifs à ne jamais perdre une minute, ne se surchargent point de travail ; ils n’ont aucune hâte de s’enrichir, l’économie leur tient lieu d’effort, le nombre des travailleurs allège leur tâche, qui devient un plaisir, tous y ayant un égal intérêt.

Les soirées sont remplies par telles récréations qu’ils considèrent’ comme inoffensives ; en général, ils ne se permettent pas la musique instrumentale, et passent beaucoup de temps à répéter des hymnes qu’ils déclarent recevoir incessamment du pays des esprits. Un meeting d’un genre ou d’un autre, réglé d’avance, a lieu tous les soirs ; à Mount-Lebanon, ils lisent le lundi des articles de journaux choisis ; les crimes et les accidens sont élagués comme malsains, et le choix des lectures se porte de préférence sur les découvertes scientifiques, les nouvelles publiques et les événemens généraux du monde extérieur. C’est l’ancien qui fait les extraits.

Dans le service religieux des shakers, il y a peu ou point de prières articulées ; l’aspiration mentale leur paraît suffisante, ils ne veulent que « marcher avec Dieu comme avec un ami, » et la prière intérieure n’interrompt pas le travail. Le service du dimanche se compose d’exercices curieux : les hommes s’alignent en face des femmes par rang d’âge, et, une hymne ayant été chantée, l’ancien prononce un bref discours sur les devoirs d’une vie sainte ; l’ancienne reprend le même sujet, puis les rangs se rompent, et une douzaine de fidèles formant un carré séparé entonnent un joyeux cantique auquel se joignent tous les autres ; ils marchent pendant ce temps autour de la chambre d’un pas rapide et frappent dans leurs mains à fréquens intervalles. Des discours, des chants, des danses qui rappellent celle de David devant le Seigneur, interrompent cette marche ; parfois l’un des membres, sous l’empire d’une tribulation quelconque, demande les prières de ses frères, ou bien