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qui leur sont faites. En attendant, ils se laissent, avec autant de soumission que de désintéressement, diriger par leurs administrateurs, Jacob Henrici et Jonathan Lenz. Il existe en outre un conseil de sept personnes parmi lesquelles on choisit ces administrateurs (verwalter).


III

La communauté qui se rapproché le plus des sociétés célibataires par l’ascétisme, bien qu’elle tolère le mariage, est celle des inspirationistes d’Amana. Ils existaient en Allemagne dès le commencement du siècle dernier ; ce sont des piétistes, et leur chef religieux, une femme pour le moment, est supposé leur parler sous l’inspiration directe de Dieu. En 1749, 1772 et 1776, il y eut parmi eux des manifestations toutes spéciales ; en 1816, Michel Krausert, tailleur à Strasbourg, devint ce qu’ils appellent un instrument (werkzeug) ; plusieurs autres partagèrent ce privilège avec lui, Philippe Mörschel, tisserand, Christian Metz, charpentier, et Barbara Heynemann, pauvre servante alsacienne. Metz, qui fut jusqu’à sa mort, en 1867, le chef spirituel de la société, a écrit le récit de tout ce qui se passa depuis le jour où il devint instrument jusqu’à celui où la congrégation se transporta dans l’Iowa, histoire assez peu édifiante, car il parait que Barbara fut à plusieurs reprises l’objet de sévères censures et même d’exclusion, ce qui ne l’empêcha pas ensuite d’être la coadjutrice de Metz et de rester après sa mort l’oracle d’Amana. Les inspirationistes, ayant reçu l’ordre céleste d’émigrer en Amérique, se fixèrent d’abord près de Buffalo (1842), où ils eurent beaucoup de peine à se défendre contre les Indiens ; leur colonie, nommée Eben-Ezer, n’en devint pas moins florissante à la longue ; ils vendirent ce désert, transformé en jardin, à d’autres émigrans de leur pays et prirent le chemin de l’Iowa (1855). Au nombre de 1,450, ils habitent maintenant sept villages où l’agriculture, les tanneries, les scieries et les fabriques de différentes sortes ont produit des résultats magnifiques. Les premiers inspirationistes étaient riches, plusieurs de leurs membres ayant versé à la fois de grosses sommes dans le trésor commun. En Allemagne, ils n’étaient pas communistes ; mais la nécessité d’assurer à tous les frères un certain bien-être les frappa bientôt et fut proclamée comme une révélation. Les sept villages d’Amana sont séparés les uns des autres par une distance d’un mille et demi environ ; chacun d’eux fabrique autant que possible tout ce qui est nécessaire aux besoins de ses habitans et à ceux des fermes du voisinage. Comme les quakers, les inspirationistes abhorrent les clochers ; l’église et l’école ne se distinguent des autres maisons, toutes propres et bien bâties, que par leurs