Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/604

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

curieuses pièces humoristiques ; en voici quelques échantillons : chambres à louer — dans les nombreuses demeures que le Christ a préparées à ceux qui l’aiment.

Aux affligés, — le vin et le lait pour ceux qui ont faim, le repos pour ceux qui sont fatigués, les consolations pour blessés de tout genre, — gratis au magasin du Fils de Dieu.

Restaurant magnifique, — au mont Sion, etc.

L’habitation commune de la famille a quelques prétentions architecturales et est merveilleusement aménagée, chauffée à la vapeur, bien meublée sans affectation de luxe ni d’excessive simplicité ; elle renferme des bains, des salles de spectacle et de musique, un parloir, une salle à manger commune, de nombreuses chambres à coucher parmi lesquelles il y a deux dortoirs pour les enfans, et des appartemens séparés pour ceux à qui leur âge avancé permet la solitude, une bibliothèque de 4,000 volumes. Les bureaux, l’école, les boutiques, la buanderie, sont en face de cette maison, à un mille plus loin se trouvent les fabriques. Les fermes peuvent passer pour de véritables modèles.

Sauf les enfans, qui dorment autant qu’ils veulent, chacun se lève entre cinq et sept, heures et demie ; toutes les minutes sont employées sans que personne toutefois ait à descendre désormais aux gros ouvrages confiés à des travailleurs gagés qui se louent fort de leurs patrons. Les habitudes invétérées étant en abomination, l’heure et le nombre des repas sont fréquemment changés. On n’y permet pas l’usage des spiritueux, la viande n’est servie que deux fois par semaine. Au moyen d’un tableau accroché dans une galerie, chacun sait aussitôt où trouver tel ou tel membre ; une cheville placée en face du nom l’indique. Les hommes sont habillés selon nos modes, mais simplement, ils ne fument pas ; les femmes ont de larges pantalons, une jupe qui s’arrête au-dessus du genou et les cheveux courts ; c’est commode et décent, mais assez laid. On appelle les hommes monsieur, les femmes mademoiselle, à moins qu’elles n’aient été mariées avant leur initiation.

Les manières des perfectionnistes sont douces et polies ; une gaîté tranquille règne parmi eux. M. Nordhoff crut remarquer cependant que les enfans, tous robustes et bien soignés, manquaient de cette expansion si naturelle à ceux qui ont été l’objet de la tendresse exclusive du père et de la mère. « Un homme ou une femme, dit-il, peut s’accommoder de faire partie d’une grande machine sociale, mais c’est plus dur pour un enfant. Ceux-ci m’ont fait penser aux petits poulets éclos par des moyens artificiels, et qui n’ont connu qu’une couverture au lieu de l’aile maternelle. » L’école est bonne, on y apprend l’histoire, la grammaire, le latin, le français, la géologie, la musique. La famille envoie ses sujets les plus