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grandes choses qu’un gouvernement fort, conseillé par les hommes spéciaux et capables de dicter aux assemblées des volontés, sans caprices, sans retours et sans faiblesses. L’empire eut la bonne fortune de trouver quelques administrateurs éminens qui établirent le régime actuel de nos chemins de fer et lui donnèrent un caractère systématique. Plus on voudra étudier ce régime, plus on sera frappé, malgré une complexité apparente, de n’y trouver, que des idées simples et équitables. C’est par l’équité surtout qu’il nous frappe, car il a fallu un art merveilleux pour ne léser ni l’état, ni les premiers actionnaires, ni les actionnaires nouveaux. Il semblait presque impossible de concilier tant d’intérêts et de ne pas sacrifier quelques droits ; on semble pourtant y être arrivé. L’économie du système auquel on s’arrêta définitivement est assez connue : le territoire français est partagé entre de grandes compagnies, les six principales sont celles de l’Est, du Midi, du Nord, d’Orléans, de l’Ouest, de Paris à Lyon et à la Méditerranée.

Les concessions de chacune de ces grandes compagnies sont divisées en deux sections sous le nom d’ancien réseau, de nouveau réseau. L’ancien réseau comprend naturellement les grandes artères primitives, les lignes de thalweg, qui fournissent le revenu principal. Les revenus de l’ancien réseau ne sont point garantis par. l’état ; le nouveau réseau jouit, pour une durée de cinquante ans, d’une garantie d’intérêt calculée au taux de Il pour 100 avec un amortissement qui la porte à 4,655 pour 100[1].

On conçoit que cette garantie d’intérêt n’entre en jeu que quand il y a insuffisance de recettes ; mais l’un des réseaux est garanti et l’autre ne l’est pas, tandis que les recettes des deux réseaux se confondent. Comment faire dans ce fonds commun la part des recettes qui appartiennent à l’ancien et de celles qui appartiennent au nouveau ? Les deux réseaux, commercialement solidaires, sont, au point de vue de l’état, financièrement distincts. La difficulté a été levée de la manière suivante : il a été attribué à l’ancien réseau un certain revenu kilométrique minimum ; tout ce qui dépasse ce minimum est déversé, comme supplément de recettes, sur le nouveau réseau pour couvrir, jusqu’à due concurrence, l’intérêt garanti par l’état.

La caisse de la compagnie est comme un bassin qui se remplit : quand un certain niveau est atteint, la recette se déverse dans un second bassin ; enfin l’état vient au bout de l’année et ajoute ce qu’il faut pour remplir ce deuxième bassin. Voilà toute l’économie

  1. L’Angleterre a construit ses propres chemins de fer sans garantie d’intérêt, mais elle a appliqué le système de la garantie dans l’Irlande et dans l’Inde.