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en Allemagne, » dans le cas d’un succès des ultramontains bavarois. M. l’ambassadeur d’Allemagne à Paris appelle cela justement « un danger. » Il fait, il est vrai, exception en faveur du gouvernement, composé d’hommes « qui ont trop d’amour pour la paix et trop de perspicacité politique pour se laisser entraîner à faire la guerre par l’illusion d’une ligue des peuples catholiques ; » mais il ajoute que « la nation française s’exalte facilement, et il serait regrettable qu’une victoire des ultramontains éveillât des espérances qui ont déjà produit une fois un funeste effet sur l’esprit du peuple français. » M. le prince de Hohenlohe est un esprit grave et mesuré sans malveillance pour notre pays : s’il n’a point d’autres inquiétudes que celles qu’il exprimé dans sa lettre, il peut être tranquille. La France n’aurait point triomphé de la victoire des ultramontains bavarois, quand même cette victoire eût été plus complète ; elle n’aurait point songé surtout à y voir le gage d’une prochaine ligue des peuples catholiques pour faire la guerre à l’Allemagne. Nous n’ignorons pas que dans les réunions électorales de Munich les orateurs catholiques n’ont pas été les derniers à déclarer que la Bavière devait remplir tous ses engagemens envers l’empire. Nous savons à quoi nous en tenir, et, puisque les Allemands nous croient si facilement enclins à nous faire illusion sur ce qui se passe en Allemagne, ils devraient de leur côté ne pas se méprendre sur ce qui se passe en France, sur les vrais sentimens de notre pays, que les élections bavaroises peuvent intéresser sans l’émouvoir positivement, sans l’exalter outre mesure.

La politique de l’Europe s’étend à l’orient comme à l’occident. Bien des questions en effet ne cessent de s’agiter dans cet empire turc où se poursuit la lutte séculaire de toutes les influences, où fermentent tant de passions de race, de religion, de nationalité, et ces questions prennent alternativement, quelquefois simultanément, la forme d’incidens diplomatiques ou d’insurrections locales ; elles reparaissent comme pour rappeler à l’Europe qu’il y a là, dans ces régions orientales, un inextricable et éternel problème. Ces jours derniers encore, c’est à propos d’un traité de commerce négocié entre le gouvernement roumain et l’Autriche.

La Roumanie, liée par la vassalité à la Porte ottomane, avait-elle le droit de négocier directement ce traité avec l’Autriche ? Si le droit existe, il résulte apparemment des conventions qui ont créé le nouvel état roumain à la suite de la guerre de Crimée, et en bonne justice ce serait aux puissances qui ont créé cet état d’interpréter en commun l’œuvre commune. Il paraît que tout cela est changé, l’Autriche, la Russie et l’Allemagne ont jugé à propos de trancher la difficulté en reconnaissant à la Roumanie le droit de négociation directe. La Porte a protesté, l’Angleterre n’a pu faire autrement que d’approuver les protestations de la Turquie, et la France, sans se laisser entraîner dans