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point résister. On le croyait jusque-là aussi prudent que brave ; une ambition folle va détruire toutes les promesses de ce grand début. Maximilien meurt en 1519, et d’avance il a tout disposé pour que les princes-électeurs appellent au trône impérial son petit-fils l’archiduc Charles, déjà roi des Pays-Bas, d’Espagne et des Deux-Siciles. La politique de François Ier devait être assurément d’écarter de l’empire un prétendant si redoutable. Fallait-il pour cela qu’il aspirât lui-même à la couronne des Othon et des Barberousse ? Le roi de France ne pouvait commettre une faute plus grave. Quelle que fût l’habileté de ses agens, quelle que fût aussi la cupidité de tel où tel prince d’Allemagne, il était facile de prévoir que d’autres agens aussi avisés tiendraient les siens en échec, que d’autres offres non moins brillantes détruiraient ses combinaisons, et que, l’empire étant mis de la sorte aux enchères, il arriverait un moment où le sentiment germanique interviendrait, faisant pencher la balance en faveur du petit-fils de Maximilien. C’était l’issue inévitable. François Ier se fût épargné un grand mécompte et il aurait évité bien des maux à la France, si, au lieu de céder à la tentation du sceptre impérial, il eût employé sa puissance en faveur d’un prince allemand. A supposer même qu’il eût réussi à se faire élire, quel profit y aurait-il trouvé ? Les divisions du grand corps germanique auraient fourni à ses adversaires de terribles armes contre lui ; c’était à un prince d’Allemagne, à un margrave de Brandebourg, à un duc de Saxe, qu’il fallait abandonner la tâche de contrecarrer les projets de l’Espagne-Autriche. Lorsque le prince-électeur, archevêque de Trêves, dès le mois de novembre 1516, envoya son chancelier à François Ier pour lui offrir sa voix en vue de l’élection future, lorsque le margrave Joachim de Brandebourg, peu de temps après, lui députa trois plénipotentiaires pour traiter des conditions de ce pacte, François Ier, s’il eût été ce grand prince et ce sage politique annoncé par ses débuts, aurait cherché à quel souverain d’Allemagne il convenait de prêter son appui dans l’intérêt de la France et de l’Europe.

Une des plus curieuses pages du livre de M. Mignet, c’est précisément l’élection à l’empire en 1519. Ces étranges intrigues, ce marché politique, ces négociations à prix d’or, ces allées et venues de la fourberie, ces alliances du matin qui sont rompues avant le soir, tout cela est débrouillé par l’historien avec une merveilleuse précision. Tandis que François Ier commet la faute insigne de répondre à l’appel d’une partie des électeurs, est-il possible que le jeune roi catholique abandonne le champ de bataille ? Il combat pro domo sua. Au XIIIe et au XIVe siècle, deux de ses ancêtres paternels, Rodolphe de Habsbourg et Albert Ier, avaient porté la couronne