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Pompeo Sarnelli, ne dédaigna pas d’écrire en napolitain une Posillicheide dans laquelle il rapporta cinq nouvelles racontées après un souper, sur la colline de Pausilippe, par quatre petites paysannes et leur mère, avec beaucoup de vivacité et de naturel. Jusqu’alors et longtemps après, on ne recueillait ces historiettes que pour s’amuser ; mais vinrent les frères Grimm, qui prirent ces études au sérieux, et commencèrent dans leurs Märchen et dans leurs Sagen une véritable enquête sur la langue, l’esprit, la psychologie populaires ; ils firent école, et dans tous les pays du monde on voulut rechercher à leur exemple, écrire à leur manière, sous la dictée des gens du peuple, les traditions des rues et des champs. Ce furent les Allemands qui exploitèrent l’Italie, et la Sicile, qui nous occupe uniquement dans cette étude, fut explorée avec beaucoup de fruit par une femme de mérite, Mme Laure de Gonzenbach. Les Italiens, qui sous l’ancien régime ignoraient et dédaignaient leurs richesses, ne se sont guère mis à l’œuvre que ces dernières années, mais ils l’ont fait avec leur ardeur habituelle ; M. Vittorio Imbriani à Milan et à Florence, M. de Gubernatis à Santo-Stefano, M. Bernoni à Venise, Mme Coronedi Berti à Bologne, ont exhumé des trésors que les frères Grimm leur auraient enviés. La Sicile a mis dans ces recherches plus de zèle encore que les autres provinces ; il nous serait facile de signaler un grand nombre de jeunes écrivains qui ont commencé la moisson, mais nous ne voulons nommer aujourd’hui que le plus laborieux et le plus fécond de tous, M. le professeur Giuseppe Pitre, de Palerme. Il a déjà publié dix volumes sur la littérature populaire de son pays : recueils de chansons, de récits, de nouvelles, de contes de fées, et il nous promet encore des études sur les jeux d’enfans, les proverbes, les fêtes. M. Pitrè est à la fois un artiste et un érudit ; nous pouvons dans ses volumineuses collections butiner du miel pour tout le monde. Prenons-y d’abord ce qui aurait amusé Voltaire et La Fontaine, et réservons pour la fin ce qui pourrait intéresser les savans.


I

Ce qui donne un intérêt particulier aux recueils de M. Pitre, c’est qu’il n’y a rien mis de son propre fonds ; ce ne sont pas des traditions populaires arrangées en nouvelles par un artiste ingénieux pour amuser les oisifs. Ces naïvetés artificielles n’ont plus cours aujourd’hui ; ce n’est pas le dialecte affiné de Meli que recherchent les curieux, c’est la vraie langue du peuple. Pour la retrouver, M. Pitrè a voulu écrire sous la dictée des narrateurs illettrés qu’il rencontrait sur son chemin ; il a noté scrupuleusement les mots, les sons, les accens divers de toutes les provinces siciliennes ; mais