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connu et qui compte aujourd’hui parmi ses adhérens les théologiens les plus distingués du royaume-uni. Nous essaierons d’en retracer les origines, nous en marquerons les phases successives, et nous mettrons à profit pour l’époque la plus rapprochée les mémoires de l’un des champions les plus modestes et les plus méritans de la tendance anglicane libérale, mort dans un âge peu avancé, et dont, avec un soin pieux, la veuve a publié l’an dernier la biographie et la correspondance.


I

C’est seulement à partir du règne d’Elisabeth que l’on peut considérer la victoire du protestantisme comme définitive en Angleterre. Par tempérament comme par politique, Elisabeth n’était pas sympathique aux réformes radicales. De conviction, elle était protestante ; d’inclination, elle était « haute-église. » Elle laissa bien la commission chargée d’arrêter définitivement la confession de foi de l’Angleterre travailler à la rédaction des « XXXIX articles » dans un esprit très protestant, mais elle s’opposa aux simplifications liturgiques et hiérarchiques réclamées par la tendance puritaine, déjà très prononcée sous son règne. La suite prouva qu’elle s’était trompée sur la valeur de ce parti plus religieux que royaliste, tournant aisément à la république dès que la royauté ne marchait pas droit « dans les voies du Seigneur. » Cherchant à jouer le rôle de conciliateur dans un pays divisé, elle crut plus habile de ramener la droite, c’est-à-dire pour elle les catholiques, que de satisfaire la gauche puritaine par des concessions suffisantes. L’événement le plus souvent démontre que ce calcul est faux, parce qu’il ne tient pas assez de compte du fait que la force militante est ordinairement plus grande à gauche, du côté du mouvement et des hardiesses, qu’à droite, où règnent trop aisément la routine et la timidité.

L’édifice qu’elle éleva n’en était pas moins très solide, et le caractère de l’église anglicane, à travers ses crises successives, s’est toujours ressenti de ses conditions d’origine. Facilement soumise à la couronne d’Angleterre, en même temps très fière devant tout autre pouvoir, aristocratique par son organisation, mais ne se raidissant que dans une prudente mesure contre les vœux avérés de l’opinion publique, finissant même le plus souvent par lui céder, très protestante par son enseignement dogmatique, semi-catholique par son culte et ses prétentions sacerdotales, elle réussit à fondre dans une certaine unité des disparates partout ailleurs inconciliables, et, si nous exceptons ses années d’éclipsé lors de la révolution de 1648, nous devons reconnaître qu’elle a jusqu’à ces derniers temps assez bien répondu à l’idée qu’on peut se faire d’une