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reproduites avec sa correspondance, sont curieuses. Il se prend d’un goût assez vif pour les Français, du moins pour ceux du nord, car il trouve ceux du midi peu gracieux pour les étrangers passant par leur pays. Il est à présumer que cette différence de sympathies provient uniquement de ce que Rowland Williams parlait fort mal notre langue. En ce temps-là, l’Anglais n’était pas précisément aimé en France ; mais dans le nord, où les Anglais en résidence ou de passage étaient nombreux, appréciés comme bons payeurs, on était plus tolérant que dans le midi pour leur jargon français et leur raideur hautaine. En Suisse, les Allemands qu’il rencontre le prennent pour un Français, et les Français pour un Allemand. En Piémont, le jeune homme goûte de la prison. Engagé dans un sentier de montagne, il a une discussion avec son guide, qu’il avait loué pour une course entière, et qui à mi-chemin entendait le planter là et recevoir pourtant le prix de la course complète. Aux sommations succèdent les menaces. Notre Anglais, vite au bout de son français, tire froidement un pistolet de son sac et l’arme ; le guide de détaler au plus vite, mais en jurant de se venger. En effet, sur sa dénonciation, le jeune voyageur fut arrêté, incarcéré à Domo d’Ossola, et ne fut relâché que quelques jours après. A Rome, il vit et admira beaucoup ; mais ses sentimens protestans furent blessés par le culte des reliques.

Entre temps il s’était adonné à l’hébreu et même au sanscrit. Ses goûts celtistes, qui faisaient par exemple qu’il plaidait volontiers la cause des Irlandais contre l’Angleterre, et qu’il écrivit en faveur de la dotation de Maynooth, le poussaient à s’occuper des questions d’ethnologie et de philologie comparées. Il est visible que ce sont les voyages et ces études comparatives, si propres à élargir l’esprit, qui le détachèrent de l’anglicanisme étroit dans lequel il avait été élevé. Il entra en 1842 au service de l’église établie, fut nommé tutor of King’s College à Cambridge, et fit un cours sur Aristote et Platon ; puis il accepta la place assez humble de vice-principal du collège de Lampeter, sorte de séminaire où l’on formait des pasteurs comprenant et parlant le gallois. Trop souvent les pasteurs anglicans, venus dans le pays de Galles des autres parties du royaume, ne pouvaient se faire comprendre de leurs paroissiens, et on attribuait à cet état de choses les progrès rapides de la dissidence méthodiste, propagée par des indigènes parlant la langue locale. Il est permis de présumer qu’en acceptant ce poste utile, mais obscur, Rowland Williams espérait qu’on pourrait un jour le prendre en considération pour remplir des fonctions plus élevées dans son pays natal. On pensait que par la suite il faudrait donner à cette province non-seulement des pasteurs, mais aussi des évêques gallois.