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renommés. Ils triomphent dans les détails, ils manquent le but essentiel. Ils prétendent résoudre des questions de fait par un appel constant au sentiment religieux ; mais les questions de fait sont du ressort de la raison, elles ne peuvent être déférées à un autre tribunal. Là-dessus il démontrait combien la preuve tirée du miracle est insuffisante, impuissante et contraire à toutes les exigences de l’esprit scientifique des temps modernes. Au reste M. Baden Powell ne nie pas expressément les miracles bibliques, mais il est clair qu’il tend pour lui-même et qu’il pousse les autres à s’en passer. Si le miracle est indémontrable et s’il ne démontre rien, à quoi bon en porter plus longtemps le pesant fardeau ? Toute l’ancienne apologie anglaise de la religion chrétienne est frappée au cœur par cette subtile analyse, et le rationalisme reste seul sur l’arène.

C’est d’un point de vue semblable que M. Goodwin envisageait les rapports de la cosmogonie mosaïque avec la science contemporaine. Il constate qu’on a fait de vains efforts pour fonder une concordance qui n’existe pas. Mieux eût valu reconnaître tout de suite que la religion et la science ont chacune leur sphère distincte, que la Bible, trésor de vérités religieuses, n’est pas un répertoire de science naturelle. Cette distinction est assurément fort sage, mais, si on l’applique aux livres saints, on est forcé d’y reconnaître des erreurs scientifiques et de rejeter l’inspiration surnaturelle du texte littéral. — M. Wilson à son tour, à propos des séances dites historiques tenues à Genève dans un moment où la lutte était vive dans cette ville entre les partisans et les adversaires de l’église nationale, avait pris à tâche de rechercher les conditions d’existence et de légitimité d’une église de ce genre. Il n’aime pas les petites associations, nécessairement étroites, qui se forment sous le régime de la séparation de l’église et de l’état. Il préfère donc une église établie officiellement sur toute l’étendue du territoire et dont on est membre par le fait même de la naissance, à moins d’en sortir par un acte volontaire et réfléchi. Mais il faut alors que l’église nationale élargisse autant que possible ses bases pour être digne de son nom. A l’heure présente, l’église établie d’Angleterre voit se détacher d’elle un grand nombre de ses enfans, parce qu’elle n’est plus par les doctrines qu’elle persiste à leur imposer en harmonie avec les exigences de la pensée moderne. Pourtant elle devrait, elle pourrait les retenir par une judicieuse réforme, et elle n’en serait que plus fidèle à son principe biblique. L’élément moral l’emporte sur le dogme dans le Nouveau-Testament et dans la primitive église. C’est ce même élément que l’église de nos jours devrait mettre sur le premier plan, c’est là, et non dans des dogmes plus ou moins périmés, qu’elle devrait chercher son lien d’unité. Les articles de foi de l’église