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tant par le gouvernement de l’Algérie que par le comité de colonisation, si l’on y joint 125,000 francs fournis par la société de protection en dehors de ce qu’elle a fait pour ses villages, plus 700,000 francs dépensés par les divers comités de France et d’Algérie en secours de toute espèce, on trouve qu’en définitive l’établissement des 909 familles en question n’aura pas coûté moins de 4,800,000 francs, rien que pour les maisons et l’assistance, soit en moyenne 5,300 francs par famille ; encore faut-il observer que ces installations, modestes en elles-mêmes, ont été singulièrement facilitées par la présence et l’activité des nombreux agens civils et militaires dont dispose le gouvernement. Dans les chiffres précédens ne sont pas comprises les dépenses d’intérêt collectif nécessaires pour la création même des villages, telles que travaux d’eau, rues, édifices publics, etc. ; ces dépenses peuvent être évaluées à 150,000 francs pour un centre de 50 feux, et de ce chef la part proportionnelle des Alsaciens-Lorrains monterait encore à plus d’un million. Assurément ce sont là, dit le rapporteur, des chiffres élevés, et l’on ne peut se dissimuler que la colonisation, qui doit être en somme le but de notre occupation lointaine, serait réellement impossible, si elle devait être faite uniquement par l’état et à ses frais. L’importance du rôle de la société de protection en Algérie, son utilité, sa grandeur, c’est qu’elle y a précisément représenté la part de l’initiative privée. Elle avait sur l’état ce double avantage que son cercle d’action était circonscrit, qu’elle jouissait dans ses dépenses de toute latitude : ainsi le chiffre de 6,000 francs, fixé d’abord comme limite extrême des avances qu’elle devait faire aux colons, a été porté pour certaines familles nombreuses jusqu’à 8,000 et même 8,500 francs. Rien non plus n’a été négligé de ce qui devait servir au succès définitif : choix d’un emplacement commode et suffisamment salubre, construction préalable et aménagement des maisons, achat complet du mobilier, des animaux, du matériel agricole, multiplicité des plantations, capacité des familles, surveillance attentive, minutieuse, infatigable, jusqu’au jour où le colon peut se tirer d’affaire ; autant de précautions commandées par l’expérience ou le bon sens, que la société s’est fait un principe d’appliquer sur ses concessions, dont elle s’est bien trouvée, et qu’elle a eu le plaisir de voir en plus d’un cas appliquées après elle par le gouvernement lui-même pour le plus grand bien de la colonie et des immigrans. A un autre point de vue, son exemple pourra être profitable : quels que soient en effet les sacrifices que nécessite la mise en valeur d’une concession de terres, il y a, nous l’avons vu, dans l’établissement de tout nouveau centre une véritable création de capital qui compense largement les premières avances indispensables ; on ne saurait donc trop